A la pêche aux sirènes . Loki

A la pêche aux sirènes

Le lac noir abrite de sombres secrets. Il fait nuit. Faustus est seul. Car Faustus est brave. Non, pas vraiment. En réalité il se dit qu’il est l’élément le plus effrayant du décor : l’habitude de faire flipper les élèves, sûrement. Comment pourrait-on faire plus flippant qu’un prof tordu, avec des cicatrices étranges, et habillé comme un fossoyeur du temps jadis ? Un peu comme un prédateur qui se conforte dans l’idée d’être le plus gros chasseur, pour ne pas avoir les foies. Du coup finalement le professeur Dante n’a plus peur. Un grand sourire en banane sur le visage, il quitte le château.

En dépit du couvre-feu et du règlement. Y avait-il seulement un couvre-feu ? Aucune idée. Pour les élèves peut-être, mais pour le personnel … qu’importe, dans tous les cas il n’en avait rien à foutre. Ce soir, il avait un mystère à élucider. Quelque chose qui le travaille depuis des années. Une rumeur qui circule dans les couloirs depuis des décennies … peut-être même depuis que la première pierre de Poudlard avait été posée ! Non, sûrement pas si loin. Mais quand même.

Dans la salle de bain des préfets, trône une statue. Une sirène, aux courbes généreuses et plutôt enjôleuse. Certains prétendent qu’elle est la réplique parfaite d’une véritable sirène peuplant le lac noir. D’autres disent que c’est simplement un fantasme un peu étrange d’un précédent directeur. Et Faustus, lui, ne dit rien. Parce qu’il ne sait rien. Mais bientôt, il saurait.

Le lac portait plutôt bien son nom. Surtout de nuit. Face à l’étendue glaciale, le professeur s’interrogea. Un frisson parcourut le long de son dos. Deux remarques. Non trois. La première : comment pourrait-il savoir si la sirène de la salle de bain des Préfets existait, puisque il ne l’avait jamais vue ? La seconde, de drôles de bulles éclataient à la surface, et ça lui foutait les jetons. La troisième, il n’aimerait pas que quelque chose surgisse et l’entraîne au fond de l’eau. Mais là tout de suite, il était occupé. En effet, quelque chose avait jailli et il se sentait … humide.

A la pêche aux sirènes

La réaction normale quand on vous hurle dessus, c’est bien souvent de hurler à votre tour. Faustus était donc en train de se déchirer les cordes vocales. Il n’était pas capable de dire pourquoi, et ne ressentait même plus la surprise. Il beuglait, c’est tout. Tandis que son esprit tâchait de comprendre pourquoi. Finalement il manqua d’air et sa voix désagréable se stoppa net. Si demain il n’était pas aphone, il aurait de la chance. Soudain quelque chose d’autre le dégoûta au plus haut point, et le fit ramper quelques centimètres en marche arrière. On l’avait touché. On le touchait.

Quelque chose était donc bien sortit de la flotte, et y était retourné quasi instantanément. Faustus tentait de reprendre ses esprits, et redressait machinalement son chapeau habituellement vissé sur sa tête. Les yeux plissés, il se mit à fixer un point sur l’eau sombre. Une demie-tête. Pas de doute, un monstre ! Instantanément, il s’arma de sa baguette et marmonna un “Incen …” avant d’entendre une voix jeune et innocente. Un peu flippée aussi, sûrement. Heureusement qu’elle l’avait stoppé dans sa démarche : un sort d’Incendio dans l’eau … à part lui faire une coupe d’enfer Faustus n’aurait pas vraiment neutralisé la bestiole.

La voix lui semblait familière, sans parvenir à mettre un visage dessus. Etait-ce l’un de ses étudiants ? Probablement puisqu’il parvenait à remettre un nom sur sa gueule de cadavre pas frais. Le professeur se redressa tant bien que mal, essayant de reprendre un peu de consistance. “Non poisson pané, c’est la petite sirène ! On peut savoir ce qu’il te prend de faire trempette à cette heure-ci ? Et dans cette baignoire à monstres ? Sors de là immédiatement avant que je n’enlève des points à ta maison !”. En soit, le gamin aurait pu prendre ses jambes/pattes/nageoires à son cou, puisque Faustus ne l’avait pas identifié. Mais ça restait risqué.

Le sieur Dante utilisa sa baguette pour produire un léger lumos, histoire de détailler la face de celui qui l’avait complètement trempé. Dans ses habits amples, il avait l’impression d’être un clébard mouillé. Désagréable. Il n’avait plus vraiment envie de rire. Et en plus de ça, il était un peu déçu. S’il avait été question d’un monstre ou d’une autre créature, peut-être aurait-il pu négocier un service ? Un élève, ça ne lui était pas utile. Non seulement il ne progressait pas dans son enquête, mais en plus il devrait raccompagner ce clodo au château et se présenter au Directeur de sa Maison sans s’être épongé au préalable. Autant dire que Faustus allait être exécrable aujourd’hui.

Les bras croisés, le pied tapotant nerveusement le sol, le prof ruminait. “Non seulement je suis humide, mais en plus je vais devoir réfléchir à une punition. Tu as amené des vêtements au moins ?”. Ah bah voila. Foutre le bordel, réveiller le château et raccompagner un ado à demi à poil … certes les gens pourraient s’imaginer des choses, mais le gamin en souffrirait bien plus. On vous l’a dit : il est mauvais le sieur Dante quand il est contrarié.

A la pêche aux sirènes

Tout compte fait, vu la température ambiante, le froid avait suffirait comme punition. Quoi que. Froid maladie, maladie je-sèche-les-cours. Faustus ne détacha pas son regard de l’étendue glaciale quand le gamin s'emmitoufla dans ses multiples serviettes. S’il était complètement cinglé, au moins il n’était pas idiot. Sa bouille lui disait quelque chose. Il était de Serpentard, ça pas de doute. Il suivait son cours de Transmutation, pas de doute non plus. Quelle année ? Pas la sombre idée. Par contre à force de se retourner le serpent de la maison verte, Faustus finit par remettre un nom sur le visage mécontent du nageur : Loki. Comme ce dieu un peu étrange, ou un peu fou, grand fan des reptiles et associé à la même couleur que Salazar !

Loki prenait donc des bains dans le lac noir. Et visiblement régulièrement, vu l’attirail qu’il avait prévu. Ça dénotait une certaine habitude. Et pour cause. La remarque de Loki n’avait pas fait réagir le professeur. Sur le moment il s’était dit que dans tous les cas, ce serait du cannibalisme. Le statut de cette espèce a plusieurs fois été remis en question. Si encore aujourd’hui officiellement le problème est classé, officieusement les opinions divergent. Pour Faustus, il n’y a pas débat : les êtres de l’eau sont mi-homme, mi-créature, donc aucun inconvénient à ce qu’ils soient traités comme des êtres. Par conséquent, manger un humain reviendrait à manger un semblable, du point de vue de Dante. Logique implacable.

Sa réflexion lui prit un certain temps, si bien que le temps qu’il réagisse à la vue des branchies, le gamin commençait déjà à s’évaporer. Faustus se repassait le film au ralenti. Loki avait dégagé sa coiffure façon L’Oréal et le professeur avait bien aperçu ce qu’il pensait avoir vu. Si chambrer les élèves est l’un des passe-temps favoris du rejeton de fossoyeurs, les offenser involontairement le dégoûte profondément.

La présence du garçon hors des dortoirs en pleine nuit en ces temps chamboulés, l’incident, la punition, tout s’effaça. Il retint Loki par l’épaule et énonça des excuses sincères. “Je suis navré Loki je ne savais pas. Sinon j’aurais évité les termes désobligeants.”. Il repassa devant le gamin et son côté puéril reprit le dessus. Il afficha un grand sourire idiot et pointa son index à l’ongle verni de noir vers sa pomme d'arriéré “Tu comprends, avec tous ces cheveux j’y vois rien. Tu as de belles branchies ! Ça te gêne pas hors de l’eau ? Tu es à moitié quoi au juste ? C’est plutôt cool !”. Si le gosse lui répondait "J'ai une gueule à être moitié poisson clown connard ?" y avait des chances que le professeur se roule par terre de rire. En soit oui, Faustus était curieux.

Les idées s’enchaînant rapidement dans son esprit, une idée folle le coupa net dans sa réflexion : “Mais attends … du coup tu respires sous l’eau ! Tu peux explorer le lac, tu dois avec des contacts avec la mafia aquatique, les big boss de la deep water ? Ça te dit de relever un défi ? De résoudre un mystère millénaire ?”. Aguicheur ? Pas sûr.

A la pêche aux sirènes

Fautus éclata d’un rire strident, la tête jetée en arrière et la main sur le ventre. Ce que Loki venait de dire n’avait rien de drôle, c’était même assez consternant, mais Dante avait le rire facile. La première phase, la maman zoophile et le petit bâtard à abattre, lui avait tiré un petit rictus. Mais la dernière, celle où le gamin le noyait … il en aurait pleuré de rire. Pourtant en soit le semi-être de l’eau aurait très bien pu mettre ses menaces à exécution. Oui mais voilà : crever traîné jusqu’au fond du lac, dans le noir, dans le froid … c’était rigolo comme fin pour un professeur aussi dérangé, non ?

Imaginez un peu les merveilleuses rumeurs qui auraient éclos. “Ouais le lac noir ? Approche pas poto, y a un prof complètement dérangé qui s’y est noyé, une sombre affaire. Askip, il était plus que mariné si tu vois ce que je veux dire, il est tombé et il s’est noyé.”. Ou alors on aurait raconté qu’un monstre l’avait emporté. Ou qu’il s’était viandé en marchant sur son lacet, cogné la tête sur un rocher et qu’une sirène l’aurait embarqué. Bref, la raison de sa mort n’aurait pas été la plus importante. “Du coup maintenant si tu t’approches, on dit que tu peux le voir faire un spectacle d’otarie avec les êtres de l’eau, si t’as une gueule qui lui plait.” petit silence de suspens “sinon il te fait bouffer des cailloux et les transmute dans ton estomac, et t’explose ! Un cinglé ce mec …”.

Oui, ça avait vraiment de quoi faire rire Faustus. Le clapotis de l’eau sur le rivage le ramena à la réalité. Le reste du discours de Loki lui avait totalement échappé. Alors qu’il était l’instigateur de ce petit monologue. Tant pis, il reposerait ses questions plus tard. Le professeur Dante perçu néanmoins un changement dans le regard de son interlocuteur. “Oh rien d’important … c’est sûrement un peu risqué. Heureusement que tu n'es pas un Gryffondor !” grand sourire fourbe, mine désintéressée, voix grave … drôlement mélodramatique cette situation. Ça convenait à l’enseignant. Il laissa Loki patauger un petit instant, histoire de voir s’il perdrait son sang froid, mais Faustus en doutait.

Finalement, Faustus s’approcha de l’eau et reprit sa mine sérieuse. Il réfléchissait. Si le petit n’avait pas de lien avec le peuple qui œuvrait dans ces eaux, la démarche était peut-être risquée. Et le jeu n’en valait clairement pas la chandelle. Si Faustus cédait à la moindre connerie qui lui passait par la tête, la sécurité de ces gamins restait sa seule vraie priorité. “On raconte qu’il y a une statue de sirène dans la salle de bain des préfets. Et on raconte aussi qu’elle ressemble étrangement à une demoiselle qui se déhanche dans ce lac.”. Finalement, il n’avait pas pu s’empêcher d’expliquer le pourquoi du comment. Après tout, la raison de la présence de Loki se justifiait naturellement : l’empêcher de se baigner reviendrait à priver un oiseau de ses ailes. Faustus avait donc voulu détailler sa présence à son tour.

Il reprit son air de branleur totalement à côté de la plaque et se tourna de nouveau vers le jeune homme. “Je déteste les questions sans réponse ! C’est comme ce film moldu là, y a un type extrêmement bizarre qui ne cesse de demander pourquoi un corbeau ressemble à un bureau … ça me filerait la migraine ! D’ailleurs à chaque fois je dois prendre de l’aspirine en intraveineuse.” Une fois de plus, Faustus s’éloignait du sujet. “Bref, je voulais juste savoir si c’était vrai. Je suis un peu déçu que tu ne saches pas auprès de qui se renseigner. Et hors de question que je pique une tête. Au pire, j’essaierai de pêcher quelque chose à la belle saison.”

A la pêche aux sirènes

Décidément, Poudlard pullulait de gamins niais qui pensent tout savoir. Encore que venant d’un Serpentard, la démarche n’avait rien d’exceptionnelle. Pourtant Loki semblait être un gosse intelligent. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences, hein. “Dis-moi petit génie, si ça s’appelle « Un mystère » il y a sûrement une raison, non ? Tu penses être le seul en plusieurs décennies à se dire « Oh si je fouillais la bibliothèque ? ». Un peu agressif, certes. Mais ce genre de comportement avait tendance à exaspérer le professeur. “Des photographies, ça se truque, petit avorton.” même que d’abord. Faustus sentait bien que le morveux se payait sa tête, ce qui d’ordinaire ne le dérangeait pas outre mesure. Mais cette supériorité digne des Serpentard lui foutait la gerbe en permanence.

“Faire trempette hein, ça te ferait marrer n’est-ce pas ? Dommage, tu ne pourrais pas voir ça puisque en tant qu’enseignant je te somme de regagner le château au pas de course. Ce que tu devrais faire avant que je ne décide de raconter tes plaisirs nocturnes aux Directeurs.” décidément, ce gosse lui avait coupé toute envie de rigoler. “Je vous pensais ambitieux, curieux, braves … finalement les Serpentard sont donc des couards. Ca fera bien rire Gryffondor !”, oui pour le coup il était déçu. “D’autant plus que ce serait facile pour toi d’arpenter ces eaux déjà connues, donc en plus de tout ça, te voila fainéant. Je n’aurai pas cru …” bon. Tel que c’était parti leur prochain cours serait joyeux tiens !

Faustus farfouilla dans ses poches en quête d’un objet bien précis. Une chef-d’oeuvre digne de Michel Ange. Il voulait le montrer à Loki, non plus par soucis de démonter ses hypothèses, sans raison. Il s’était appliqué toute la journée, harcelant un bon nombre de préfets dans leur emploi du temps déjà chargé. Et les versions et ressentis étant sans cesse différents, autant dire que Faustus avait bien trimé pour obtenir un résultat final. Mais au moins il était sûr de pouvoir compter sur les yeux de ces élèves chargés de veiller sur leurs camarades. Aucune chance de se louper ! Coincé entre une sucette parfumée au sang (des fois qu’il tombe sur un vampire …) et un numéro dont il avait oublié le propriétaire, le professeur trouva enfin ce qu’il cherchait.

Il l’arracha de sa veste d’un geste triomphant, avant de coller l’image sous le nez de Loki. “Là tu vois, elle ressemble à ça la sirène ! Tu l’as déjà vu ?” Inspecteur Dante était en route. Sauf que le bonhomme bâton avec une ample chevelure et des écailles sur ses jambes poilues … ça risquait d’être assez peu utile. Malgré tout discourir sur ces détails avec Faustus ne servirait à rien. “Ose me dire que ça ne t’intéresse pas …” c’est vrai quoi, le sujet était fascinant ! Et puis, enquêter avec Faustus serait l’occasion de rester dehors un peu plus longtemps, voire d’aller barboter de nouveau.

Le professeur réfléchit un court instant. “Voyons … si tu m’aides, soit en servant de traducteur avec une créature qui vit là-dedans, soit en plongeant toi-même, je pourrais sûrement te rendre service à mon tour”. Oui après tout, un Dante dans sa poche, ça peut toujours servir ! “Je pourrais t'obtenir une autorisation de baignade nocturne pour disons un mois ? En ces temps perturbés tu te doutes bien que tu risques gros à sortir sans l’aval d’un enseignant.” Du chantage ? Nan pas son genre. Un échange de bons procédés, c’est tout.

A la pêche aux sirènes

Faustus commençait à se demander si le gamin ne faisait pas de son mieux pour être désagréable. Visiblement il avait tendance à oublier qu’il s’adressait à un enseignant. “Pathétique”, rien que ça. Décidément le professeur commençait à se dire que ce moucheron ne serait d’aucune utilité. En plus d’être fanfaron et irrespectueux. Heureusement qu’il ne reflétait pas la jeunesse actuelle. “Mouais … ton histoire aussi est pathétique si tu veux mon avis.” Il n’en pensait rien, mais Dante avait été blessé par les propos du petit cancrelat. En soit le gamin avait plutôt mal débuté dans la vie. Son quotidien ne devait pas être tout rose, et le rejeton de fossoyeur se demandait comment il aurait vécu son enfance sans la présence de son daron. Mal, probablement.

Il se demandait également comment sa mère avait réussi à élever un gosse seule, d’autant plus un être hybride. Ça ne devait pas être facile tous les jours. Devait-elle travailler deux fois plus ? Loki lui causait-il des problèmes, vu son tempérament ? S’était-elle quand même mariée avec son promis ? Avait-il accepté l’enfant ? Bref, Faustus s’égarait. Ce qui arrivait assez régulièrement finalement. Peut-être était-il trop empathique ? Avec quelqu’un qui n’était même pas présent, fallait quand même le faire. Visiblement Loki ne semblait pas très enclin à user de son statut. Que faisait-il donc dans l’eau alors ? Il barbotait comme un enfant boudeur qui refuse la compagnie des siens ? Plus sérieusement, si le morveux n’avait jamais usé de sa condition avec ses demis semblables de l’eau, la tâche semblait plus risquée.

Effectivement, il pourrait se faire attaquer par des sirènes. Être pris en chasse par un banc de poissons très attachés aux limites territoriales, se faire attraper par un tentacule géant … et aucun moyen pour Loki de négocier. Tout compte fait, ça ressemblait effectivement à une mission suicide, et même avec tous les efforts du monde Faustus ne pourrait rien depuis la rive. Il s’étonna toutefois, “Moi paresseux ? Dis donc, tu n’es pas le premier à avoir dit qu’il suffisait de demander, plutôt que de se démener à chercher par soi-même ?”. C’était vrai, hein ? Il reprit son dessin, l’air boudeur. Mais résigné.

“ - Laisse tomber. Tu n’es peut-être pas si lâche tout compte fait. Mais effectivement puisque tu ne puises pas dans les capacités que tu as hérité de ton père, c’est trop dangereux.” et d’ajouter, en total hypocrite “et puis je n’aime pas qu’on me fasse du chantage et qu’on me force la main.”. Il aurait pu ajouter un “Nah !” en ponctuation, mais s’il n’en montrait rien Faustus n’avait plus tellement envie de rire. “Ceci dit je suis surpris qu’un culotté dans ton genre ne cherche pas à tirer meilleur parti de ses compétences cachées. Pourtant vous êtes réputés pour être ambitieux, non ?”. Le professeur Dante croyait beaucoup en ce système de Maison instauré par les créateurs de Poudlard. Jamais il n’avait vu le Choixpeau se tromper. Il s’appuyait donc énormément sur les traits principaux de chacune pour se faire un premier jugement. “Ton père t’inspire-t-il tant de dégoût, ou bien c’est simplement que tu ignores par où commencer ?”.

L’inspecteur Faustus avait changé de casquette pour celle de conseiller, comme il aimait souvent le faire. Ecouter, comprendre (ou non), donner son point de vue, c’était son truc à lui. S’il pouvait servir à aider les élèves, pourquoi ne pas le faire ? Après tout si Loki avait parlé de sa famille, c’est bien qu’il y avait un petit reste de rancœur dans son âme.

A la pêche aux sirènes

Faustus ne savait plus trop quoi penser de cet énergumène. Tantôt il l’énervait, avec ses grands airs, tantôt il l’intriguait et lui donnait envie de l’épauler. C’était plutôt dérangeant comme sensation. Son personnage favori s’était finalement envolé. Car il était bien question de ça : la plupart du temps, le professeur de Transmutation passait pour le dernier des abrutis, parce qu’il le souhaitait. Une armure ou un cachet d’extasie, tout dépendait de la situation. Une protection contre les gens trop sérieux, voire désagréables. Un cachet de pur bonheur pour ceux qui en avaient besoin. Il n’était pas rare que Faustus fasse le clown pour détourner l’attention. Jusque là ça avait plutôt bien marché : les élèves blessés se mettaient à rire sous ses bourdes, et les moins joviaux crachaient leur venin sur l’enseignant. Dans tous les cas, ils se sentaient mieux à la fin, et c’était bien l’objectif.

Mais dans le cas de Loki, Faustus ne savait plus vraiment sur quel pied danser. Devait-il sortir définitivement Faustus l’abruti, ou bien est-ce qu’un peu de sérieux apaiserait le nageur du soir ? Il était rare que le professeur s’interroge, mais cette fois un grand point d’interrogation terminait ce long débat intérieur. Il ignora cet éternel aspect supérieur qui semblait tapisser le Serpentard continuellement. Il avait l’habitude d’être considéré comme un bouffon, et ça lui permettait bien souvent de voler les principales pièces de l’adversaire sur l’échiquier qu’est la vie. Il ne s’offusqua donc pas aux paroles de l’élève, qui semblait oublier sa place. Si sa journée avait été si longue il aurait bouclé ses devoirs et se serait mis au lit. Point. Sa petite enquête ne trottait désormais plus dans son esprit. Peut-être demanderait-il l’assistance de Poufsouffle ? Prétextant qu’eux au moins savent où sont les vraies priorités.

Il ne comprenait pas tout. Et pour cause, il se trouvait devant un immense carré vide, avec quelques pièces constituant les bords d’un puzzle, et d’autres manquantes. On ne reconstitue pas une histoire à partir de bribes. Sinon ça s’appelle une fiction, et les fictions Faustus n’en a cure. Même s’il ne pensait pas que fourrer son poing dans la gueule d’un être de l’eau pourrait être raisonnable, il n’en dit rien. Pas respect, mais aussi par compréhension. La mère de Loki était morte. Loki considérait son géniteur comme responsable. Visiblement ils ne se côtoyaient plus. Donc dans tous les cas rien que ce dernier fait rendait le père responsable aux yeux de Faustus, pour qui la protection des gosses reste la priorité absolue. Peut-être pour ça que les Scamander ne se sont pas opposés à son maintien dans l’équipe professorale ?

Faustus s’était de nouveau tourné vers le lac sombre. Le vent glacial emmêlaient les fils d’argent qui lui servaient de chevelure, ce qu’il trouvait particulièrement désagréable. Il ne resterait plus très longtemps. Quoi que … s’il attrapait une pneumonie il n’aurait plus à donner cours ? Ou Argus le remplacerait ? “Rire ? Navré, je ne ris que de ce qui me semble absurde. Quelqu’un comme toi qui craint l’eau, je trouve ça ironique, mais pas absurde. Une situation absurde, on la provoque. Une ironie, c’est plus compliqué à mettre en place.” Oui après tout, Loki n’y pouvait rien. Pourquoi donc se baignait-il la nuit ? Pour tenter d’appréhender ses craintes à l’abris des regards indiscrets ?

Le professeur glissa sa main sous son épaisse cape d’hiver pour en tirer sa baguette, et la pointer machinalement vers Loki. Un petit geste vif, et il rangea sa précieuse compagne dans son fourreau. “Ça devrait te tenir chaud jusqu’au Château. N’en profite pas pour vagabonder davantage ou je serai obligé de t’ôter des points, pour de vrai cette fois.”, un petit Warmus simple et rapide. Si Loki tombait malade, ça lui retomberait sûrement sur la tronche. “En tout cas sache que je ne répète pas les secrets. Bien que je ne sois capable que d’une chose.” il esquissa un sourire en repensant à la remarque de son élève. “En revanche je ne suis pas sûr que ce cher Andersen serait aussi discret. Je sais bien que tu es malin mais puisque tu confies ce genre de chose à un idiot, … méfies-toi.”. Même si ça sonnait sur le ton de la menace, Faustus tenait surtout à mettre en garde le gamin. Même son collègue était directeur de la maison de Loki, Faustus n’était pas certain qu’il tiendrait sa langue. Après tout, Isaac n’était pas reconnu pour sa tolérance et sa gentillesse.  

A la pêche aux sirènes

Faustus ne s’était évidemment pas attendu à des éloges, ni à une averse de remerciements. Mais le ton de son étudiant lui semblait quelque peu froid. Peut-être que sa réaction ne lui avait pas convenu ? Peut-être aurait-il dû se tordre de rire pour dédramatiser la situation ? Ou bien poser davantage de question pour montrer qu’il s’intéressait ? Non, vu le tempérament de Loki aucune réaction n’aurait pu convenir à ce genre de situation. Le professeur aurait même parié son bras (celui que vous voulez, choisissez) qu’il regrettait déjà de s’être étalé sur son histoire. Et que de toute façon, tout ça retomberait sur Faustus, d’une manière ou d’une autre. Tant pis.

L’enseignant laissa sa tête lourde chuter sur son épaule gauche. Était-ce une menace réelle ou bien une plaisanterie ? Dans le doute il préféra ricaner discrètement. Juste histoire de dire. Comme si un étudiant pouvait blesser un adulte. Lui couper la langue en plus. Il n’aurait pas été le premier à essayer, loin de là. Beaucoup de gens semblaient attisés par la curieuse envie de le priver de cet organe. Pour le faire taire, peut-être ? Auquel cas, ils devraient plutôt lui arracher les cordes vocales : sans quoi, il continuerait de chanter juste pour emmerder son monde. Ah tiens, en voilà une idée pour sa prochaine explication de cicatrice ! “Ouais, un gars a voulu me faire taire. Il a échoué.”, de quoi bien effrayer les plus jeunes !

Faustus répondit à son élève d’un bref geste de la main, qu’il ne distingua pas puisqu’il avait déjà disparu. Le professeur était tenté de le suivre, juste pour s’assurer qu’il rentre bien à bon port. Mais quelque chose lui disait qu’il ne resterait pas plus longtemps dehors. Sinon il serait resté avec lui, non ? Faustus est d’une agréable compagnie, un enseignant à la réputation sans faille, d’un tempérament charmant …

Face au lac, il laissa son regard vagabonder sur l’eau. Il s’accroupit, perplexe. Devait-il donc d’abord découvrir la salle de bain des préfets, ou passer directement à l’interrogatoire des créatures de l’eau ? Peut-être que le plus simple serait d’interroger les Directeurs ? Un secret qui se révèle de génération en génération ? Non, ce n’était pas vraiment le genre des Scamander. Pas pour un sujet aussi futile, du moins. Il se résigna donc. Les chemins les plus courts sont souvent les moins intéressants. Des Poufsouffle céderait sûrement à ses lubies étranges, il trouverait des volontaires pour mener l’enquête avec lui ! Et qui sait, il n’est pas impossible qu’il apprenne de nouvelles choses sur ses élèves, comme ce fut le cas avec Loki.

A la fois un peu déçu et mélancolique, Faustus se décida à rejoindre lui aussi son lit, ruminant dans un coin de sa tête l’histoire assez peu élogieuse de Loki S. Nygård.