honey ✧ (salem&noora)

Le ciel lourd de neige s’était paré du manteau rose et orange du crépuscule encore timide tandis que Noora sortait de chez la boutique Gaichiffon avec les bras chargés de sacs, témoignage de la folie dépensière qui l’avait saisie en ce samedi après-midi. Elle n’allait pas souvent faire ses emplettes dans la boutique de prêt-à-porter de Pré-au-Lard –ses goûts de luxes et son aisance familiale lui avaient fait vite prendre goût au service et à la qualité qu’offrait le tailleur d’excellence Tissard & Brodette sur le chemin de Traverse ; mais puisqu’elle était coincée entre Poudlard et ses alentours, elle avait fait une exception, et finalement avait su dénicher bien plus d’articles qu’elle ne l’aurait pensé.

Après toute une après-midi de shopping entre les différentes boutiques du village, Noora se retrouvait avec une ribambelle de sac à porter toute seule, des pieds endoloris d’avoir trop marché en talons de huit centimètres malgré la neige et une envie prenante de se détendre quelque part avant de devoir rentrer au château. Si elle avouait trouver un certain charme au pub des Trois Balais –son côté rustique auquel elle n’était pas habituée d’ordinaire lui plaisait– elle ne se sentait pas vraiment l’envie de prendre une Bièraubeurre seule entourée de sorciers avec d’ors et déjà un petit coup dans le nez –pour l’avoir déjà fait, c’était rigolo dix minutes, et puis elle s’en lassait.
En passant devant le salon de thé, un sourire narquois s’étira sur les lèvres de la jeune fille qui n’attendit pas une seconde de plus pour s’y engouffrer.

Ce n’était pas vraiment l’envie pressante d’une tasse de thé qui l’avait convaincue, mais plutôt la silhouette familière qu’elle avait reconnu derrière la vitre, attablée seule au fond de la salle.
Elle poussa la porte qui sonna dans un bruit de clochettes, salua la propriétaire d’un large sourire et fendit l’air avec souplesse sans cogner un seul de ses sacs contre les dos des autres clients attablés avant de s’asseoir en face de Salem Avery avec une nonchalance qui laisserait presque penser qu’ils avaient rendez-vous et qu’elle était bel et bien censée se trouver là avec lui.

« Pfiou ! fit-elle en se soulageant de ses sacs qu’elle posa sans gêne sur le siège d’à-côté avant de se défaire de son manteau sur le dos de sa chaise, je suis van-née, plus de shopping avant au moins une semaine ! Elle leva finalement la tête vers le jeune homme et lui adressa son éternel sourire amusé. Salut Poussin, t’attendais personne j’espère ? »

Elle attira l’attention d’une serveuse pour lui passer commande et reposa les yeux sur lui.

« Qu’est-ce que Salem Avery peut bien faire ici tout seul à cette heure dis-moi ? »

Les coudes posés sur la table et les jambes croisées, elle était définitivement trop bien installée pour laisser la place à quelqu’un d’autre s’il avait effectivement rendez-vous avec quelqu’un qui n’était pas elle.

« Figure-toi qu'il attendait une jolie Poufsouffle, pas toi. Mais je suppose que tu te fiches de ça. »

Noora haussa un sourcil, légèrement surprise –mais pas choquée car Salem était un beau garçon et plutôt apprécié– avant de se fendre dans un de ses sourires caractéristiques qui la rendaient aussi énervante qu’irrésistible.

« Elle rappellera, t’en fais pas ! »

Elle savait pertinemment qu’il se doutait déjà du fait qu’elle ne bougerait pas de sa nouvelle place, et qu’il avait abdiqué dès qu’il l’avait vue s’installer en face de lui.
On ne manipulait pas Salem Avery facilement –si t’en étais que l’on pouvait y arriver. Mais Noora avait cette façon insupportable de savoir s’imposer quand elle le voulait et souvent sans s’attirer de problèmes quand bien même sa présence n’était pas forcément désirée.

« Tu choisis bien ton moment pour revenir dans ma vie en tout cas. Je t'ai manqué, c'est ça ? »

Il ricana et elle en fit de même, mais ne répondit pas immédiatement car sa commande était arrivée, et elle s’empressa de verser l’eau bouillante que contenait la théière de porcelaine blanche dans sa tasse pour y faire infuser son thé préféré –thé noir à la rose, à la vanille et à la verveine citronnée.

« À moins que tu aies rencontré l'homme de ta vie, bien sûr... Ou la femme, hein. Tu sais bien que je ne juge personne, moi.
— N’en déplaise à tes fantasmes je n’ai pas encore changé de bord aux dernière nouvelles, fit-elle en leva vers lui un regard espiègle –s’il voulait la jouer taquin, ils seraient deux à jouer– mais sinon, toujours pas de grand amour en vue, et c’est très bien comme ça ! »

Noora avait toujours douté de sa capacité à aimer vraiment –elle avait eu plusieurs copains et n’était pourtant tombée amoureuse d’aucun. Peut-être que son cœur était trop corrompu pour éprouver cet amour véritable qu’ont toujours loué contes et médias.
C’était sûrement mieux comme ça –à ses yeux l’amour était liberticide et elle n’avait pas besoin de ça.

« Il paraît que je tombe toujours à point nommé, je suis surprise que tu n’aies pas deviné mon arrivé ! »

Elle plongea un morceau de sucre dans son thé et y remua sa cuillère en contemplant un instant le nuage de thé infusé se diluer progressivement dans l’eau.

« Ça fait longtemps qu’on s’est pas vus dis-moi, comment tu vas depuis l'autre fois ? »

Peut-être qu’au cours de la discussion elle lui avouerait bien qu’il lui avait un peu manqué.