pech! | z Dorothy

C'est éprouvant. Parler avec ce type est éprouvant. T'as la désagréable sensation qu'il y un mur, un fossé entre vous. Comme-ci vos paroles se déformaient. Comme-ci entre ce que vous pensiez et ce qui était interprété se creusait une différence contre laquelle aucun de vous ne pouvez rien faire. C'est éprouvant, blasant, frustrant. Tu es fatiguée de cette conversation stérile qui ne mène nulle part. Tu es fatiguée de voir les mots rebondir et de ne pas savoir s'il y a un profond mépris de la part de ton interlocuteur ou juste une trop grande maladresse. Ça te gonfle, Dorothy, de ne pas savoir interpréter ces signes et y répondre comme il faut. Peut-être que le problème vient de toi ? Peut-être que c'est plus complexe que cela aussi. Peut-être que le contexte fait que, également. Faut dire que tu n'es pas d'une patience prodigieuse ces derniers jours, ça ne doit pas aider.

N'empêche que ça te fait rire intérieurement d'entendre ses explications. Parce que, quand il te dit qu'il fait de son mieux pour être sympa et pas trop arrogant, tu as presque envie de lui dire que tout sonne chez lui comme pas sympa et arrogant. La façon dont il présume de ta vie, la familiarité qu'il emploie avec toi alors que vous n'êtes que des étrangers. Tu ne saurais dire s'il se fiche de toi ou s'il est sincère. T'aimerais croire que c'est le cas. C'est toujours plus agréable de se dire qu'on n'arrive pas à communiquer par maladresse. Mais ce serait mentir de dire que tu en as quelque chose à foutre, à ce stade. Tu es épuisée, lui parler t'as épuisée. Tu étais juste sortie t'aérer l'esprit et au final t'en viens à te chopper la migraine. Peut-être que ce n'est, tout simplement, pas le bon jour pour parler avec qui que ce soit. Peut-être que tu devrais tout simplement retourner au dortoir et profiter de la fin de la journée pour te poser et bouquiner un bon coup ? Peut-être que tu devrais faire ça, ouais. Ça te semble plus que raisonnable. Ça te semble être l'option la plus safe pour ne pas subir plus longtemps ce genre d'expérience pas très agréable.

Cette conversation sonne, pour toi, comme un échec. Comme l'un de ces échanges stériles qui ne laisse rien derrière. Malheureusement, il y en a des échanges comme ça. On n'y peut rien. L'humain n'est pas toujours à même de communiquer avec tout le monde. L'humain n'est pas toujours à même de s'entendre avec tout le monde. C'est un fait. T'as envie de considérer ça comme quelque chose de catastrophique. C'était un échec, mais sans doute que tu n'y pouvais pas grand-chose. Quand ça n'accroche pas, ça n'accroche pas. Forcer ce procédé stérile ne servirait sans doute à rien et tu n'as clairement pas la patience pour essayer plus longtemps. Il fallait savoir reconnaître quand une bataille était perdue. Celle-là l'était, clairement. Aussi, lorsqu'il te dit que, pour lui, ce n'est pas un désastre, tu trouves ça gentil, mais tu comprends bien que ça ne suffit pas. Tu sens toujours cette maladresse, ce fossé. Tu ne peux t'empêcher de te sentir profondément agacée par sa façon d'interagir avec toi. Non, sans doute que ça ne vaut clairement pas le coup de continuer. Alors tu secoues la tête doucement, ta bestiole pleine de poil sur les talons.

- « Non, je pense que je vais rentrer. Je suis fatiguée. »

Il est sans doute impoli de refuser cette invitation mais une partie de toi sait qu’il serait plus impoli encore de mentir et de faire semblant. Autant être honnête. Savoir sonner la retraite n’est pas une honte, c’est une preuve de sagesse.

- « Mais je te souhaite une bonne journée quand même. » Fis-tu en commençant ta marche vers le dortoir. « Oh, et ne te tracasse pas, ton secret sera bien gardé. Je ne dirai rien. »

Tu sais ce que ça fait, de voir ses peurs exploitées. Tu ne souhaites ça à personne. Enfin si, tu serais capable de souhaiter ça à quelques personnes. Heureusement pour lui, ton camarade n’en fait pas parti.