Maintenant aimez-vous // Nemo

Maintenant aimez-vous

Le crayon s'usait sur le papier froissé de son carnet, malmené entre ses mains rageuses, sous la surveillance de son regard inquisiteur. Aucun bonheur sur le dessin, que des traits de travers, ni harmonie ni talent, ni beauté ni tendresse, il n'y avait sur les silhouettes de ce qui devait ressembler à des chats amoureux que des teintes amères et pleines de haine.

En levant les yeux sur la salle devant elle elle ne voyait que des inconnus, qui se regardaient à peine, qui échangeaient des banalités, plutôt que de se prendre dans les bras ! s'embrasser ! qu'attendaient-ils donc, ces gueux !

Chanel était en colère, pleine d'une frustration inavouée, et refoulée. Il y avait d'abord eu Jules, il a fui devant Hilda, ce couard ! Cette mocheté de garçonne aurait pas du tant l'intimider ! Il y avait eu Dove, mais elle s'en sortait très bien sans elle. Et puis c'était pas sa faute si personne voulait s'aimer comme elle voulait.

Et même avec Magnus, elle avait échouer à aimer.
Quelle plaie.

Des heures recroquevillées sur un des canapés de la salle commune, à griffonner - gâcher - tous ses jolis dessins naïfs et pleins d'amours. Elle les avait tous détruits, souillés, à grands coups de crayons et de gomme sale. Elle avait fini par jeter son cahier.

Cahier qui dut atterrir sur la tête d'un de ses camarades, puisqu'un « Aïe » la fit sursauter. Elle carra les épaules, et voulu d'abord s'excuser, mais les mots franchirent ses lèvres avant qu'elle réalise, et immédiatement elle les avait regretté :

Tu peux pas souffrir en silence comme tout le monde ?

Elle s'était énervée et avait surenchéri, parce que quitte à avoir l'air très bête elle irait jusqu'au bout - et parce qu'elle avait trop de fierté pour accepter qu'elle était en tords de s'énerver alors que c'était elle qui avait blessé quelqu'un avec son carnet.

ICI IL Y EN A QUI ONT LE CŒUR BRISÉ UN PEU DE RESPECT

La salle commune, l'endroit de repos rêvé, ou presque. Nemo était loin d'être serein et serrait son cahier un peu plus près de lui à chaque paysan qui frôlait son siège. Il gardait férocement ses dessins, osait parfois un dessin d'observation et grimaçait devant des résultats moyens. Le jour où il allait pouvoir mêler son hobby avec sa particularité était bien loin d'arriver...
Au moins, il y avait une gamine dans son canapé qui ne semblait pas vouloir bouger. Parfait, reste bien là comme une larve à massacrer ton cahier, c'est parfait pour dessiner et...
Se prendre le dit carnet, fraîchement lancé sur lui. Elle avait dû le repérer.

- Aïe !!

Ah non, elle ne l'a même pas calculé. Nemo la fusille du regard et se penche pour ramasser le cahier. C'est bien un truc de fille ça, balancer des trucs sur de pauvres innocents !

-... Pardon ?!

Se plaindre en silence ? Et puis quoi encore ?!
Le Gryffondor gonfle le torse, se redressant, laissant ses oeuvres de coté pour faire face à la peste.
Elle haussait le ton, et choquait le brave garçon. Comment ? Elle osait lui hurler dessus et lui demander du respect ?! Jamais il ne montrerait du respect pour une garce, même si elle crie !

- MAIS JE M'EN FICHE DE TON CŒUR BRISÉ ! C'EST TOI QUI M'AGRESSE LA, HARPIE !!

Deux enfants à la forte fierté, cela allait forcément faire des étincelles.

- Avec ton vieux.. truc.. C'est quoi ?

Il ouvre le carnet du bout des doigts avec un air dégoutté. Des dessins, et des ratages, cela lui rappelait ses propres notes et autres croquis. C'était quoi d'ailleurs, ces dessins ? Des... blaireaux ? et des coeurs ??
Coeur brisé, uh ?

- Pas ma faute si t'as pas d'amoureux ! Mais ça m'étonne pas.

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Hé !

Elle se jeta par-dessus le canapé et lui arracha le livre de ses mains. C'était son livre, il devait pas le toucher, même si c'était elle qui lui avait lancé sur la tête. Est-ce que ça lui donnait le droit de toucher le livre ? Non, forcément non, c'était le sien. Oh, elle ne savait plus trop. En plus maintenant il lui criait dessus, c'est qu'il lui en demandait beaucoup quand-même.

Elle lui tapa gentiment la tête (gentiment parce que son bras avait la force d'un insecte) avec le bouquin.

Tu crois que tu m'intitomides ?

Elle soupira en regardant du coin de l’œil son livre dans sa petite main pathétique. Il avait raison, elle avait plus d'amoureux, mais c'était pas si grave, elle avait pas vraiment besoin de ça ? Elle fit la moue.

De toutes façons toi non plus t'as pas d'amoureuse vu comment t'es moche. Et c'est pas un vieux truc c'est le livre de l'amOOur avec deux O majuscules !

Elle haussa les épaules, leva la tête d'un air un peu orgueilleux.

Et t'as pas le droit de le regarder parce qu'il y a que les GRANDS entremetteurs qui peuvent se faire livrer le secret de l'amOOur avec deux O majuscules !

Pas douce du tout, cette donzelle qui lui arrache le cahier des mains. Pire encore, elle se permet de le frapper avec, faiblement -c'est une fille après tout-. D'où ? Où est le respect ?

- t-t-Tu.. C'est même pas un mot !!

Intitoquoi ? Mais elle est insupportable cette femelle !
Elle faisait presque virer ses cheveux au roux avec ses provocations : moche, lui ? Son ego saigne, il s'enflamme mais ne fait que serre ses poings.
C'est qui elle d'abord ? C'est quoi son problème avec l'orthographe ?

- Le livre de...

Il prend une grande inspiration et se facepalm.

- J'ai plus le secret de l'amour que toi, c'est ridicule ! Moi au moins j'ai eu une cavalière au bal !!

C'était, elle aussi, une peste. Pire nuit au monde. Pire danse, pire compagnon. Mais il était sûr que c'est un argument de choc. Il se redresse et lui arrache à son tour son cahier des mains, avant de se lever du canapé et s'éloigner de quelques pas, inspectant rapidement le contenu du bouquin.
Laissant derrière lui son propre carnet à dessin, sur le canapé.

- Puis y a rien dedans !! Juste des dessins ratés. Il est où le secret ?!

Il fait volte face et fixe Chanel, plissant les yeux.

- Attends, t'entr...

Entremetteur, c'est quoi même ?

- T'es quoi ? Un entre mets ?

elle s'est prise pour un snack ?
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Chanel avait passé sa main intriguée sur son menton, le caressant avec lenteur, comme elle avait vu une fois dans un film. Elle avait trouvé qu'il était plutôt beau gosse alors elle se dit que ça lui donnait son petit style, à elle aussi.

Tu dis que tu ne vois pas les secrets même en lisant le livre sacré ?

Son plan était parfait.

Intéressant.

Elle marqua une pause.

Il semblerait que le secret de l'amOOur n'est lisible que par les plus grands entremetteurs.

Elle avait ignoré la plupart de ses remarques, parce qu'elle n'avait aucun moyen de répondre et parce que sa manière à elle de garder la face c'était d'être incohérente. Ainsi elle gardait toujours l'ascendant, vu que personne ne comprenait jamais rien, et qu'ils finissaient par abandonner.

Mais alors elle retourna dans sa tête ce qu'il lui avait dit, avec un poil de retard.

Tu as dit que tu avais le secret de l'amour ? Tu parles de l'aMouur avec un M majuscule et deux u minuscules ?

Elle avait laissé tomber le cahier par terre et attrapa les deux mains de Nemo.

TU TE RENDS COMPTE ? On pourrait les combiner pour faire naître l'aMOOuur, avec un MOO majuscule et deux u minuscules ! C'est une eau, Ben !

Elle savait pas si il s'appelait Ben mais elle avait entendu Maisie dire ça un jour, et ça sonnait pas mal.

Veux-tu devenir mon associé de l'amour, Ben ?

Nemo n'était même plus échauffé, juste perdu et perplexe. Qui est cette nénette déjà ? C'est quoi son problème ? Quel livre sacré, c'est juste un carnet de dessin moins bien que le sien, y avait aucun secret dedans, juste de la frustration.
N'importe quoi.
Lisible que par les plus grands entre mets. Soit il est juste nul, ce qui est impossible, soit elle raconte n'importe quoi depuis deux minutes, si pas plus. Ils étaient plus à Poudlard, mais dans un asile.

- Un M majuscule et...

Il fronce les sourcils, essaie d'y réfléchir un moment... Non, aucun sens, que dalle. Elle lâche son cahier, il le suit du regard, avant d'avoir ses mains emprisonnées dans les siennes. Nemo sursaute et vire au rouge.
Ses mains. Les siennes. Non ? Il n'est pas à l'aise, c'est soudain et il n'est pas consentant. C'est ça, le viol ?
L'aMOOur ?
Euh quoi ? C'était pas l'amOOur ? Il suivait pas.
Associé de l'amour.

- Qu..

Le rouge déjà établi sur ses joues vire au fard, s'étale jusqu'à ses cheveux. Associé de l'amour, dans le genre, en couple ?!! Nani ?! C'était rapide, trop rapide, il avait chaud quand même là.

- WOW CA VA TROP VITE QUAND MEME ! T-T-tu me prends la tête, j'te connais pas puis... ET J'M'APPELLE PAS BEN !

Il libère une de ses mains, et ne sait pas quoi en faire. C'est tout. Elle est là, en l'air, alors qu'il est confus et gêné.

- Nemo. Avec... Un m majuscule et... un... un a ??

Ils sont dans la même année et elle a même pas retenu son prénom.
Bon, lui non plus.

- Puis d'où y a une différence entre aMOOur, Amouur et am.. Amoour ? AmoUUr ? Je- Tu dis n'importe quoi !
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Il en faisait tout un cinéma juste parce qu'elle lui demandait d'être son partenaire de l'amour ! Maisie avait raison : les garçons avaient vraiment du mal à s'engager. Aussi mous que du caramel à Noël. Elle avait lâché les mains de Nemo en soupirant.

N'en fais pas tout un fromage, je te demande pas de m'épousailler.

Elle leva les yeux au ciel. C'était si difficile de se faire comprendre ! Pourquoi personne n'avait la même manière de penser qu'elle ? C'était quand-même pas si compliqué.. Elle attrapa son livre tombé par terre.

T'es un peu bête, toi, non ?

Elle ouvrit le livre sur un dessin d'un couple d'écureuils, brisé, et lui montra avec détermination.

Je dois découvrir le secret de l'AMOOUUR tout en majuscule avec deux O et deux U pour ça !!!! ça !!!! ça n'arrive jamais.

Elle fit une moue triste.

Il faut que les gens s'aiment ! Et je veux que tu sois un de mes anges. Grâce à nous et aux secrets de l'aMOOuur, même incomplet, tout Poudlard vivra une romance de rêve !

Et elle leva les bras au ciel, jetant à nouveau son carnet en arrière, ce qui déclencha un nouveau aïe, et regretta qu'une explosion n'ait pas surgit derrière elle pour lui donner plus de crédibilité. Et elle ricana car dans crédibilité on était à peu de lettres de débilité et elle avait très envie de raconter sa nouvelle blague à Sephorapace.

Il murmurait "épousailler" dubitatif, perdu dans son non sens et son vocabulaire variable. Ses sourcils restaient froncés, même quand elle l'insultait très clairement d'abruti profond. Pourquoi prendrait-il ces insultes sérieusement alors qu'il est confus et que ce qu'elle dit ne semblait pas valoir grand chose.
N'empêche, non, il n'est pas bête.

Elle parle de l'amour tout en majuscule, et il reste là, à la juger du regard jusqu'à sa moue triste. Comment cela, jamais ? De quoi elle parle ? Encore de l'amour, de son coeur brisé ?
Peut-être qu'elle est juste devenue folle après sa rupture. Fuis, Nemo, avant qu'elle s'en prenne à toi !

Voilà qu'il est bête, mais aussi un ange. Il arque un sourcil, et écoute; il avait compris que l'interrompre ne faisait que lui embrouiller l'esprit d'avantage. Et le cahier s'envole, fait une autre victime. Pokerface tout du long, avant de poser ses yeux à nouveau sur Chanel. Cette fille est une catastrophe.
Elle dessiner même beaucoup de raton laveur non ?

- Uh.

D'abord Billy l'entraine dans des expériences sur son pouvoir, maintenant elle voulait un idiot qui convertirait tout Poudlard au pouvoir de l'amour. C'est nul l'amour en plus. Toute l'école, mielleuse et pleine de couples qui se partagent leur bave et se pelotent. Ew. Il grimace légèrement rien que d'y penser.

- C'est vraiment ce que tu veux ?

Puis quel plan foireux. Elle, rendre les gens amoureux ? Fou furieux à la rigueur. Le jeune garçon plisse les yeux et croise les bras, avant de poursuivre:

- Puis, imaginons que je te rejoins dans ton délire, on fait comment ? On peut quand même pas obliger des gens à tomber amoureux...

Et il fallait que cela sorte :

- Puis voir des gens amoureux c'est, euh, moche.

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Il avait raison, Nemo, c'était pas si joli que ça, des gens qui s'aimaient. Ou peut-être que si, mais elle n'en voyait pas beaucoup. Dans sa famille, ils avaient l'air de s'aimer très fort, mais elle ne savait pas vraiment. Ah, c'était un peu bizarre, toute cette histoire. Est-ce qu'elle avait vraiment envie que les gens s'aiment ? C'était vraiment son but ? Pourquoi ça la rendait si enthousiaste ? Chanel baissa les yeux, penaude, hésitante.

Ben...

Elle songea que si elle avait été si emballée par l'idée, c'était simplement égoïste. Ainsi, elle avait une place de choix dans le bonheur des autres. Ainsi elle aurait été utile, elle aurait eu un but, quelque chose à faire, à être. Sans ça, maintenant, elle se sentait toute vide.

Je sais pas comment on fait, mais si on essaie pas on y arrivera jamais, pas vrai ?

Elle haussa les épaules. Elle était tout de suite moins énergique. Il l'avait cassée.

Je m'en fous que ce soit beau ou que ce soit moche j'ai juste envie que ce soit heureux.

Elle se retourna l'air triste vers son livre tombé par terre et, en l'ouvrant, elle baissa les yeux, amère. Elle ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait faire et comment elle voulait le faire, elle savait juste qu'elle voulait faire quelque chose, et que c'était la seule solution qu'elle avait trouvé à tout ce malheur.

Oh boy. Nassim ne t'avait-il donc rien appris ? Traiter les femmes de manière délicate et être un vrai gentleman attentif à leurs besoins ? Nemo prend une grande inspiration, et expire, visiblement embêté, luttant à mettre son ego de coté.

- Bien.

Oh, dans quoi il s'embarque ?
Il fronce les sourcils et la fixe quelques secondes du regard, sérieux.

- On n'a qu'à essayer alors ! Mais hm... Quitte à parler euh.. D'amour... Avec deux o ou jsais pas quoi, on mise tout sur celui tout en majuscule, hein ?

Nemo se sentait pas mal con à parler du mot en A, et de parler à une fille et tenter de la réconforter après avoir détruit sa bonne humeur avec son scepticisme. En plus elle avait parlé d'un coeur brisé ! Il savait pas comment rendre le sourire à une femelle, alors si en plus elle a des histoires de coeurs -ce qui lui passe par dessus la tête-...
Il se racle la gorge et regarde ailleurs. Nope. Il ne venait pas de céder juste parce qu'elle avait l'air malheureuse et il ne galérait pas à rattraper sa bourde.

- Bref. Tu as une idée de comment faire ?

Pour que Poudlard vive une romance de rêve.
Nemo Thomsen s'est fait enrolé dans un plan à l'eau de rose, à mille lieues de sa vision d'un Poudlard heureux. Il est encore à l'époque où l'amour c'est nul, un peu comme les filles. Mais bon, tant pis. Il n'y avait rien de mieux à faire et peut-être que cela empêcherait Chanel de jeter ses dessins sur les autres...


- Oh, et tu dis à personne que je t'aide.

Laissez son image tranquille, il travaille sa masculinité fragile.
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Penses-tu que nous sommes à la hauteur ?

Chanel passa sa main sur sa barbe, la grattant comme le faisait les détectives trop intelligents des séries qui passaient à la télévision quand elle devait aller dormir. Elle fronça les sourcils dans une mine déconcertée, et puis claqua des doigts faisant quitter la main de son visage.

Ta confiance me plaît, jeune recrue !

Elle tapa dans ses paumes deux fois, décidée à relever le challenge incroyable de l'amour tout en majuscule avec deux o et pourquoi pas un h quelque part là où on ne l'y attend pas. C'était ainsi qu'elle finirait par rendre le monde entier heureux, et ça c'était merveilleux. Elle avait trouvé un allié de taille, visiblement. Elle en était ravie.

Puis elle haussa un sourcil, un peu perplexe.

Comment ça comment faire ?

Elle ne releva pas sa seconde remarque, il était évident que leur brigade devait être un mystère pour tous afin que leurs actions soient efficaces. La question d'en parler et de révéler leurs identités ne se posait même pas.

On doit dresser des profils de chacun, et puis on fait des tests de compatibilité, et une fois qu'on trouve un 90%, on les fait se rencontrer dans le plus grand des hasards arrangés !

Elle plaça ses mains sur sa taille, très fière de son plan improvisé.

Mais d'abord, trouve-toi un nom de code pour préserver ton nano-nima !