reckless ♔ (declan & hermès) [FINI]

Hermès avait oublié depuis combien de temps ça avait commencé –il avait tout ignoré au début, parce qu’il se fichait de tout, y compris de ce que les autres pensaient de lui, et encore plus des mesquineries adolescentes qui le visaient. Plusieurs semaines, peut-être un ou deux mois. Peut-être même que cela durait depuis plus longtemps encore et qu’il n’avait rien remarqué pendant un temps, aveugle qu’il était depuis qu’il avait posé bagages en Grande-Bretagne.
Qu’importe.

Hermès avait réussi à fermer les yeux –ça ne lui était jamais compliqué d’occulter quelque chose de son esprit. Il s’était mis un point d’honneur à ne pas accorder plus d’importance qu’il n’en fallait à ce genre de choses et ne même pas les remarquer avait été son fer de lance.
Jusqu’à la goutte de trop.
Quand un hibou vint déposer devant son petit-déjeuner un colis à la forme trop familière pour ne pas lui donner des sueurs froides, il comprit le manège qui se tramait avant même d’ouvrir le paquet.
C’était un balais ; une réplique neuve du modèle qu’il avait toujours utilisé à Mahoutokoro, le même qui lui avait failli et précipité dans le vide ce jour maudit. Un seul regard dessus et Hermès se revoyait déjà chuter –il sentait encore les picotements fantômes de la douleur qu’il avait ressenti quand son corps avait heurté la mer déchaînée et craignait encore aujourd’hui que sa vision ne s’assombrissent comme lorsqu’il avait perdu connaissance.

Hermès malgré son tempérament pouvait supporter bien des choses –il l’avait fait jusqu’à maintenant. Mais quand les piques devenaient couteaux dans ses plaies, sa tolérance s’embrasait avec la vitesse d’un brin de paille sèche.
Il savait qui le harcelait, et cette fois, il lui ferait payer.



« Bergling ? »

Sa voix s’était faite flegmatique, presque nonchalante, constamment teintée de sa lassitude existentielle, mais il y avait dans son regard une lueur nouvelle qui ne laissait présager rien de bon. Hermès se fichait de tout ; ça n’avait pas que des bons côtés.

« J’crois que t’as perdu ça, fit-il en lui lançant brusquement le balais au visage avec une force décuplée par sa colère encore contenue –plus ou moins. »

Il s’approcha ensuite du jeune homme et lui empoigna le col de sa chemise pour le plaquer contre le mur derrière lui, lui décollant presque les pieds du sol.

« Si t’as un problème avec moi je préfère autant que tu viennes me le dire en face plutôt que de faire dans le cadeau empoisonné, fit-il encore d’un ton las mais qui vibrait d’une rage sous-jacente inquiétante. À défaut d’avoir un semblant de maturité ça prouverait au moins que t’as des couilles. »

Leur différence de taille était assez conséquente, et Hermès avait une masse musculaire bien supérieure à celle de l’avorton qu’il tenait d’une main. Il pourrait le briser avec une facilité déconcertante s’il se laissait aller à ses pulsions les plus basses.
Peut-être qu’Hermès ne se fichait pas complètement de tout finalement –il ne se serait pas gêné autrement.

« Arrête de m'emmerder, il gronda, les vibrations dans sa voix s'accentuant un peu plus comme pour marquer son sérieux –il secouait nonchalamment le corps de Declan au bout de sa poigne pour lui rappeler une nouvelle fois qui était dans la merde ici. J'te le dirais pas une deuxième fois. »

Il n'y avait personne dans le coin à cette heure.
Une ébauche fantôme de sourire sadique se dessina au coin des lèvres d'Hermès en songeant à la nouvelle forme qu'il pourrait donner à son sale petit visage s'il lui donnait une seule raison supplémentaire de le faire.

La part raisonnable qui subsistait tant bien que mal en Hermès avait prié pour que Declan n’ai pas besoin d’un rappel à l’ordre –qu’il comprenne et ne joue pas au concours de qui saura pisser plus loin que l’autre avec lui. Mais il ne s’y attendait pas.
Il était réaliste Hermès, et Declan n’avait jamais rien eu de raisonnable de ce qu’on disait de lui. Son rire dément le laissa de marbre –espérait-il l’impressionner avec son attitude de méchant de dessin animé ?– et quand il ouvrit la bouche pour lui répondre, ce fut au tour d’Hermès de rire, du ricanement le plus méprisant qui soit.

« Des amis ? Il ricana de plus belle en réaffirmant sa prise sur le col du jeune homme. Tout le monde sait que t’as pas d’amis Bergling, qui est-ce que tu crois tromper comme ça ? »

Il le cogna une nouvelle fois contre le mur derrière lui, suffisamment fort pour lui montrer qu’il pouvait le plier en deux s’il le voulait mais pas assez pour véritablement le blesser –pour le moment.

« T’es tellement vide et sans importance que tu te sens obligé d’aller casser les couilles de la moitié du château pour qu’on s’intéresse à toi, ton bluff marche pas avec moi. »

Hermès n’allait même pas s’abaisser à lui demander pourquoi cet abruti avait décidé de s’en prendre à lui –peu lui importait ses raisons. Il voulait lui accorder le moins d’attention possible, lui montrer qu’il n’était pas mieux que tous ceux sur qui il s’amusait à cracher du soir au matin –qu’il était pire même. S’il se donnait la peine de le confronter aujourd’hui, c’était pour une seule et bonne raison : prouver à Declan Bergling que lui aussi –grand bien lui fasse– n’était qu’un insecte qu’on écrase sans y prêter plus d’attention.
Hermès s’était déjà décidé de la suite des évènements avant même que Declan ne l’ouvre une seconde fois pour tenter de le piquer là où ça faisait mal ; l’avantage de se maudire chaque jour qui passe était que les mots des gens sans importance à ses yeux ne l’effleuraient même pas.

« Je pensais avoir été clair quand je t’ai dis que je me répéterais pas… soupira-t-il, en secouant la tête avant de lever sa baguette et lancer un sort d’Attraction sur la baguette de sa future victime avant que celui-ci n'eut le temps de faire quoique ce soit ; le bout de bois magique lui sauta dans la main et son sourire s’étira un peu plus encore. »

Il prit d’abord le temps de ranger les deux baguettes dans sa poche avant d’asséner à Declan un crochet  du gauche magistral dont la force lui heurta les phalanges. Il se contenta de grimacer légèrement, et contra la douleur contre l’adrénaline en enchaînant par un second coup au visage suivi d’un coup de genou dans le creux du ventre qu’il préférait clairement donner plutôt que recevoir.
Il se laissa encore aller à quelques violences de plus, mais l’adrénaline était repartie comme elle était venue ; son sourire s’était éteint, et la lassitude était revenue.

« Même te cogner dessus devient chiant tellement tu sers à rien Bergling. »

Hermès ne se priva pas d’un nouveau coup néanmoins et il ne savait même plus si les gouttes de sang qui allèrent éclabousser le mur venaient de ses phalanges ou du nez de Declan.

Hermès avait toujours eu une violence inexpliquée en lui ; il ne savait pas d’où elle venait, ni de qui il la tenait, mais ça avait toujours été là, logé dans un coin de lui même, prêt à bondir à la moindre occasion s’il ne faisait pas l’effort de toujours se maîtriser pour ne pas déraper. Il avait été élevé comme ça : ne dérape pas, jamais, car le mal que tu peux causer est parfois irréversible. Alors ça l’obnubilait, cette histoire de contrôle de soi, parce qu’Hermès s’était longtemps considéré comme un type plutôt bien, le genre qui ne dérapait pas –du moins pas au point de causer des blessures qui ne cicatrisaient pas.
Mais Hermès n’était plus vraiment le même désormais. La vue du visage ensanglanté de Declan ne lui avait procuré qu’un plaisir fugace, une jouissance sadique qui s’était éteinte plus vite qu’une allumette sur laquelle on souffle pour ne laisser place qu’à un grand vide froid de désintérêt.

Et il ne s’arrêtait jamais de jacasser Declan ; à croire que c’était maladif chez lui, il était incapable de la fermer, il lui agressait les oreilles et la tranquillité avec sa voix insupportable. Alors Hermès, hâtif d’en finir et de mettre le plus de distance possible entre eux, lâcha le col du jeune homme une seconde pour aussitôt refermer sa prise autour de son cou, sachant parfaitement où appuyer pour le faire défaillir sans trop risquer de réellement le tuer.

« Jamais tu la fermes ta grande gueule ? »

Ses doigts s’enfoncèrent le long de sa carotide, et il attendit que le visage de Declan vire au rouge pour relâcher la pression qu’il exerçait avant de se contenter de le bousculer un peu pour le faire chuter au sol.

« T’es pathétique Declan, fit-il en le regardant de haut, sans ta baguette t’es aussi impuissant que les moldus que tu détestes. »

Un maigre sourire narquois étira le coin de sa bouche.

« Voire même plus impuissant que beaucoup d’entre eux. »

Au moins ont-ils appris à se débrouiller sans magie dans la vie.
Il recula d’un pas, les mains dans les poches, et son regard toujours vide et froid continuait de fixer le fou qu’il venait de défier.

« Bon courage pour la retrouver une fois que je l’aurais jetée dans le lac, d’ailleurs. »

Il fit encore quelques pas en arrière sans quitter des yeux le garçon à terre avant de commencer à s’en détourner, les mains dans les poches, et le cœur étrangement vide pour quelqu’un qui venait de satisfaire une envie qui le démangeait depuis des lustres.