Tu as bon cœur Azzura, il est rare que tu t’énerves. Tu préfères toujours le dialogue calme aux disputes et à la violence. Par chance, depuis ton arrivée à Poudlard, tu n’as pas eu à hausser le ton une seule fois – tu aurais pu pourtant, l’intolérance t’a suivi jusqu’ici – jusqu’à ce jour. Personne ne t’a agacée au point que tu brandisses le poing, menaçante.
Sauf ce mec.
Lewis. Ou peu importe son nom, tu t’en fiches après tout.
Il ne peut pas te voir en peinture, toi non plus. La raison est simple, toujours la même : tu es Cracmole, et ce simple fait dérange monsieur. Il préférait sans doute te voir chez toi, enfermée entre quatre murs à faire le ménage comme une bonniche pour tes parents sorciers et fiers de l’être. Ça s’est envenimé plusieurs fois entre vous, tu ne l’aimes vraiment pas – toi qui tentes pourtant de te montrer ouverte à tout le monde.
Cette fois, il a été trop loin. Tu es consciente que tu n’as pas forcément le droit de te balader dans les couloirs en rollers, que c’est potentiellement dangereux pour les autres et que tes simagrées, tu pourrais très bien les faire à l’extérieur. Mais est-ce que ce sont ses affaires ? Est-ce une raison suffisante pour te faire tomber ? Tu aurais pu te rompre le cou !
Tu t’en es sortie avec un genou éclaté, du sang qui dégoulinait et l’impossibilité d’aller à ton cours particulier. Un élève – dont tu as oublié le nom, bravo championne – a dû te traîner de force jusqu’à l’infirmerie où tu as passé la nuit. Ah ! Tu n’as jamais autant vociféré de toute ta vie, tu as cru que tu allais lui arracher les yeux ! Il aurait pu tout foutre en l’air en plus entre ton ami et toi en t’empêchant de le rejoindre et même de le prévenir à temps de ton absence !
Pire encore, le lendemain, alors que tu étais prête à partir – la magie faisait vraiment des miracles – tu avais découvert de délicieux chocolats sur la table de chevet. Alcoolisés. Trop. Tu as cru que tu allais mourir brûlée de l’intérieur.
Tu as directement compris de qui ils provenaient. Et ton ressentiment a encore augmenté. Tu réclames vengeance.
Ce jour est arrivé. Tu aurais aimé simplement le confronter une bonne fois pour toute dans le calme, mais il t’a poussée à bout. Il veut jouer et faire le petit con ? Toi aussi tu sais être immature. Tu vas lui pourrir sa journée maintenant que tes jambes peuvent à nouveau te porter correctement sur une planche à roulettes.
Tu l’as repéré il y a quelques instants passant dans les couloirs. Tu as vite réfléchi à un plan, puis t’es élancée aussi vite que tu as pu à sa poursuite, bien droite sur ton skate, déterminée à le faire chier pour lui rendre la monnaie de sa pièce.
Les élèves doivent t’éviter mais tu n’en as rien à faire. Peut-être vas-tu écraser l’un ou l’autre pied dans l’opération, tu t’excuseras plus tard. Plus que quelques mètres, centimètres, il ne se doute de rien.
Hop, tu l’as !
Son précieux carnet de notes. Il ne fallait pas le faire dépasser aussi honteusement !
Tu t’arrêtes quelques mètres devant lui, un sourire victorieux aux lèvres. Tu brandis l'objet, tes yeux brillants de colère.
« Et ça c’est à moi ! Tu veux le récupérer ? Essaie de me rattraper, tocard, ou il va dire coucou aux poissons du lac ! »
Cela était devenu quotidien, presque ennuyant. Comme si le besoin de l’enquiquiner était devenu une drogue douce auquel il avait du mal à se passer.
Et comme toute addiction, son emprise monte en crescendo. D’abord de simple palabre sans fondement -si ce n’est que sa haine pour les crackmols et les moldus-, puis des coups de baguette. Allant jusqu’à la blesser. Gravement. Si n’importe quel autre élève aurait ressentit des remords à déverser mille et une excuse, ce n’était pas le cas de Lewis. Il était simplement resté stoïque, perplexe, dévisagent cet ami qui l’emmenait en toute hâte à l’infirmerie en croisant les bras dans son dos. Ses pas avaient fait volteface, se dirigeant vers son cours de botanique comme si de rien était. Bien entendu, le directeur de sa maison l’avait attendu au tournant. Car un tel acte, en plein couloir de Poudlard, ce n’est pas resté inaperçu.
- Oui, et ? Avait-il simplement répondu, lassé.
Les gens de son espèce n’avaient rien à faire dans cet école, et il n’était sûrement pas le seul à penser de la sorte. Tout comme il n’était pas non plus le premier à blesser un.e élève crackmol. Non, ce qui pertubait le plus le personnel de Poudlard, c’est ce vide dans ses yeux. Ce manque de quelque chose qui le pourrit de l’intérieur depuis quatre année. Au point de le rendre méprisable, comme si c’était une façon pour lui de se protéger, et de ne pas avoir un nouveau châtiment de sa mère pour s’accoquiner avec les moldues et les crackmols. Elaura. Son simple prénom le tourmentait, cherchant à faire d’elle une sorcière comme elle le mérite en tant que Blackwell. Une obssession, autant par la volonté d’atteindre l’objectif visé que de s’emmenciper de sa famille une bonne fois pour toute.
Seulement, lorsqu’il avait appris qu’elle s’était tordue de douleur à cause de ses chocolats, il avait haussé un sourcil. Ah. Cette fois-ci, ce n’était pas volontaire, juste une marque d’excuse subtile pour être aller trop loin qui sera passé à la trappe. Il les mangeait facilement, comme si ce n’était que du petit laid avec les Malices Réglisses. Mais bon, il semblerait qu’elle soit empotée, même avec quelques chocolats Crache-Flamme. Tant pis pour elle, ce n’est pas son problème. Sortant de son cours, il avait néanmoins être pris de court. Une flèche avait surgit dans son dos pour lui dérober son précieux carnet. Et en plus, elle se targuait de l’avoir fait en le narguer ...
Sur sa planche à roulette. N’a-t-elle rien retenu à ce point ?
Le regard de Lewis avait noirci subitement, et ses crocs avaient brisé le carcan sucré de sa sucette pour plier en deux le batonnet de plastique. Un Accio Skate avait traversé ses lèvres, et sa baguette avait ramené dans son autre main la planche à roulette avant qu’elle n’est le temps d’aller trop loin. Cette fois-ci, les élèves s’écartaient, certes. Pour ne pas être dans le passage du Blackwell qui traînait ce jouet sutpide derrière lui pour la rejoindre.
- Rends-moi cela ! Que faut-il que je fasse pour que tu retiennes la leçon, te briser les deux jambes ?!
Sa voix gronde, menaçante. Le précieux carnet renfermé bien des secrets, beaucoups d’espérances, d’heure à jouer les cobayes dans la Forêt Interdite, à user de son chaudron. La frustration ride ce visage nonchalant, les yeux jaunâtres fixés sur Azzura.
Note pour trop tard : ne surtout pas toucher aux carnets de note de Lewis.
Tu devais t’y attendre. Le bébé Blackwell n’allait pas te laisser filer aussi facilement. Mais tu n’as pas besoin du lac pour détruire ses affaires. Tu peux très bien le faire tout de suite. Et étrangement, tu en obtiendra un plaisir pervers.
Tu es trop gentille Azzura, tu souris bien trop souvent et tu tends la main à tous, même aux déchets de cette école – et tu ne penses pas aux non-mages en disant cela, non, plutôt aux personnes comme lui – alors tu ne méritais pas ça. Toute cette haine, toi qui n’as jamais rien dit, fait. Tu vis ta petite vie dans l’école, dévales les escaliers en rollers, tentes de rendre les gens que tu aimes heureux, simplement de t’intégrer dans cet univers que tu ne connais pas encore très bien.
C’est quoi son problème, sérieusement ?
Alors non, aujourd’hui, tu n’as pas envie de rigoler. Tu es furieuse de voir ce Serpentard s’en sortir sans le moindre problème alors que tu as vu ta jambe tordue dans un sens pas très naturel. Où est la justice, putain de merde ? Si tu avais été sang pure, l’aurait-on laissé s’en tirer à si bon compte ?
Non, car il ne t’aurait pas touché.
Et tu veux savoir pour quelles raisons il a osé te faire du mal.
Il marche vers toi et tu le fixes de tes yeux bruns. Ok, il a ton skate, il peut le détruire s’il veut, ce n’est qu’un objet sans importance, tu en as un autre. Par contre, ses notes – tu les lis rapidement, feuillettes sans douceur l’ouvrage et plies peut-être quelques pages – n’est-ce pas quelque chose de bien plus important ?
Tu n’en doutes pas. Et ça va te faire plaisir de voir son faciès de moche lorsqu’il verra qu’il a tout perdu.
Amplement mérité, vraiment.
« Pourquoi je te rendrais ça ? C’est qu’un vieux carnet illisible ! Il y en a des bien mignons dans le commerce, tu n’en as pas besoin. »
Tu le lances en l’air, le rattrapes. Une page supplémentaire est froissée, mais tu n’en as rien à foutre. Tu veux le rendre malheureux. Ne serait-ce qu’un instant. Car il t’a brisé une jambe, sans raison, simplement parce que tu as eu la malchance de naître sans magie.
Ce n’est même pas ta faute. Ne sait-il pas que c’est une souffrance constante de voir les autres utiliser quelque chose dont on est dépourvu ? Pourquoi en rajouter encore ?
« Hm, qu’est-ce que c’est que ça ? »
Tu es aux dernières pages. Tu fais semblant de lire, mais tu t’en fiches de ses petits secrets. Des potions ? Tu n’aimes pas cette matière.
« C’est intéressant, non ? J’en aurais peut-être besoin pour alimenter le feu de la salle commune... »
Trois pages remplies d’inscriptions. Arrachées sans la moindre douceur. Tu les froisses entre tes doigts, les fourres dans ta poche. Puis tu lances le carnet de toutes tes forces au visage de ton interlocuteur mécontent. Tu t’es vengée, tu es contente.
Un avertissement, avec plus ou moins de délicatesse. La colère gronde, et son subconscient lui crit au ridicule. Pourtant, il ne l’écoute pas. Il se laisse bercer par cette envie qui grimpe, encore et encore. Comme si mettre à exécution ses menaces n’était qu’une question de milliseconde. Un besoin de prouver quelque chose ? Peu importe, il n’y voit que la bêtise. Ce n’est pas à coup de baguette qu’il allait régler le compte de cette sale blaireau. Pourquoi je te rendrais ça ? C’est qu’un vieux carnet illisible ! Il y en a des bien mignons dans le commerce, tu n’en as pas besoin. Une brève esquisse. Nerveuse, guidée par les ficelles d’une rage qui ne cesse de monter, Lewis ne s’arrêtera pas à une simple privation de son skate. Non, pas quand il la voit malmener ce trésor qu’il accumule depuis des mois. Toutes les richesses ne sont pas d’or ou d’argent, et il pourrait lui pardonner en voyant son seuil d’idiotie.
Pourtant, c’est un vent de colère qui l’emporte. C’est intéressant, non ? J’en aurais peut-être besoin pour alimenter le feu de la salle commune... L’aura noire se densifie en voyant les trois pages déchirés comme s’il s’agissait d’un simple brouillon. Le carnet atterrit à ses pieds, et le Serpentard le ramasse. Ses ergots arrachent le cuir de son carnet, laissant trois et deux traces distinctement sur chacune des faces.
- Lorsque je te disais de me le rendre, c’est dans son intégralité.
Un geste ferme, un Flipendo avait fusé pour pétrifier Azzura suffisamment longtemps afin de lui laisser le temps de la rejoindre. La saisir, par la gorge, ses griffes se plantant dans la chaire. Ainsi, il la maintient au sol, sous le regard horrifier et terrorisé des élèves dont les plus stupides se ruent pour aller prévenir un professeur.
- Je n’ai pas besoin de baguette pour te faire la peau, Crackmol !
Sa prise se resserre, étouffante. Aussi étouffante que la colère qui a submergé Lewis. Le bout de sa baguette pointait sur son front, ses yeux jaunâtres percent le brun de ses prunelles.
- Tu veux savoir ce qu’il y a dans ce carnet que tu as dépouillé par envie aussi inutile que puérile de vengeance ? Plus de travail fourni que le tiens ces quatre dernières années ! -Blackwell, ça suffit !
Deux mains adultes le saisissent par les épaules pour le forcer à reculer, et le Serpentard suit docilement, ramassant ses trois précieuses pages au passage. Avant de s’en débarrasser d’un coup d’épaule bestiale. Durant ces quelques secondes, il n’avait pas quitté du regard Azzura.
- Vous me faites tous chier, dans quelle langue je dois vous le dire ! Votre simple présence me dégoutte parce que vous ne servez à rien hormis faire les malins et chialer une discrimination qui ne va que dans votre sens !
Lewis se relève, calmant sa frénésie en tournant les talons. L’altercation aurait pu être bien plus grave, mais il sait pertinemment que ce dérapage n’en restera pas là. Ce n’est pas grave, il attendra sa convocation. En attendant, il avait des dégâts à réparer et quoi de mieux que la Volière pour cela. Pressé, ses pas l’emmènent loin de cette petite conne et de ses envies puériles de vengeance.
Oh, il n’a pas l’air très content le petit con de Serpentard. Il va s’énerver ? Il va lever sa sale baguette et te lancer un sort ? Salopard. Même pas foutu de se battre à égalité. Obligé d’utiliser sa foutue magie dont il est si fier.
Ça te révolte.
Est-ce qu’il va en rester là et te laisser partir dans le plus grand des calmes ? Tu en doutes sérieusement. Et avant que tu n’aies pu réfléchir à ce qu’il comptait te faire pour se venger de ton coup de sang, il te balance un Flipendo à la figure. Impossible à esquiver, tu te retrouves propulsée au sol, le souffle coupé. Ça fait mal au dos et à la tête putain !
Il est déjà sur toi en une seconde. Tes yeux s’écarquillent sous la surprise. Il t’étrangle et te griffe, tu vois vite flou. Cependant, tu te refuses à le supplier ou même à lui demander de te laisser tranquille, aucun son ne sort de ta bouche, tu es trop fière pour ça. Tu le laisses faire, ton regard brun fixant le sien avec une colère indescriptible.
« T… tu es un monstre... »
C’est tout ce que tu penses à cet instant précis. Que ce mec devrait disparaître une bonne fois pour toute, croupir à Azkaban. Qu’il est trop dangereux et imprévisible pour rester sereinement dans une société comme la vôtre. Tu le détestes. Vraiment.
Il est forcé de te lâcher lorsqu’un professeur vole à ta rescousse et tu peux enfin respirer. Tu te détends légèrement – tes muscles, tout du moins – et tu te détestes. Il te crache sa haine au visage et tu hausses les épaules.
« On ne l’a pas demandé, tu sais. »
Sous-entendu à être non-magiques. Tu rêves au contraire d’avoir des pouvoirs, mais le sort en a décidé autrement. Objectivement, que peux-tu faire ? Te suicider ? Te cacher ? Impossible. Tu veux être quelqu’un, même si tu n’es pas aussi bien que les autres personnes de cette école.
« Tu penses être supérieur, mais toi tu as l’apparence d’un monstre, Blackwell. Des rumeurs disent que tu n’es pas né comme ça. Tu es devenu ce monstre, et c’est ta faute ! »
Tu te relèves enfin et foudroies du regard tous les curieux autour de toi, essuies le sang qui coule de ta gorge et t’éloignes avec fureur. Il te rend dingue.
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