bonjour tous le... PAF < ouvert >

Flynn s'installait souvent dans le salon commun, pour lire, parfois, ou pour prétendre lire en observant. C'était intéressant, les dynamiques qu'on y retrouvait - comme un élève tout à fait calme devenait tout à coup gouailleur et téméraire dès qu'une ou deux autres personnes s'ajoutaient. Il était intéressant de remarquer, aussi, comme certaines personnes avaient le don de calmer ou agiter un groupe, parfois même les deux pour les plus leaders d'entre eux.

Et puis, il y avait ceux qui vivaient en marge de tout ça, ceux dont les plus grands compagnons ne parlent qu'en caractères d'imprimerie. Flynn faisait partie de ce groupe, bien sûr, mais il advenait de le considérer de loin, si on voulait le peindre avec autant de nuances que les autres. Un de ces individus venait justement de rentrer dans le salon.

Ethan Gilam. Elle s'était beaucoup investie dans l'observation de ce personnage - bien qu'en neuvième année, il semblait continuer de raser les murs et de s'adresser aux autres élèves avec la déférence qu'on ne voit d'ordinaire plus après la deuxième année d'étude. Il y avait en lui comme une blessure à vif, un traumatisme, quelque chose qui l'avait chamboulé et serrait le coeur de Flynn alors même qu'elle ignorait ce que c'était. Le seul indice qu'elle avait pu dégoter, c'était qu'il voyait les sombrals - il en avait parlé avec Alcyone Deschamps au début de l'année, elle les avait entendus. Alors, peut-être le deuil d'un être cher? Mais elle ne s'expliquait pas la sorte de culpabilité sourde qu'elle semblait lire chez lui parfois. Peut-être qu'elle se trompait.

Il ne fallu pas longtemps à Ethan pour s'étaler de tout son long sur le sol du salon. Flynn s'y attendait un peu, il semblait que c'était de cette façon qu'il entrait d'ordinaire dans une pièce. Instinctivement, elle posa son livre et se leva pour lui venir en aide - mais elle était à peine levée que Venus Vasilis était déjà à son secours.

Venus aussi était un individu plein de promesse, dans un tout autre genre ; elle semblait être amie avec tout le monde, ou en tous cas avec assez de gens pour qu'on ait l'impression qu'elle était incapable du moindre ressentiment. Enfin - pas tout à fait. Il y avait toujours le cas Matthew Castellan. Lui, n'avait pas grand intérêt littéraire, craignait Flynn. Trop monochrome. Eventuellement dans une épopée ou un conte de fée, il ferait un bon antagoniste, mais elle ne lui trouvait pour le moment pas la moindre qualité rédemptrice qui pourrait faire de sa psychée un objet d'étude adéquat.

Par contre, le personnage de Venus dans cette histoire - la revanche de la femme bafouée, ça c'était de la bonne littérature. La poésie du geste qu'elle avait eu, sa finalité, sa violence, même... Ca effrayait autant Flynn que ça la fascinait. Elle avait déjà un début de roman d'une centaine de pages avec Venus comme héroïne.

Bien sûr, Flynn n'avait jamais parlé ni à l'un ni à l'autre des protagonistes. Elle n'avait pas osé. Et puis, pour leur dire quoi? Ca aurait tout gâché, si elle s'était mise à juste "faire la conversation" avec ces deux individus si intéressant, ça l'aurait déçue. Et elle ne pouvait pas écrire sur des gens qui la décevaient.

Elle bénissait néanmoins l'opportunité qui s'offrait à elle à présent, de voir Venus et Ethan interagir ensemble pour la première fois. Venus, un peu moqueuse, qui usait de ses pouvoirs de vélane - pour mettre à l'aise? Le rassurer? Ca ne semble pas marcher, Ethan est d'autant plus pris au dépourvu.

Fascinée, Flynn ne se rend pas compte que le lourd livre qu'elle lisait est posé de façon bien trop précaire sur le bord de la table. Le voilà qui se penche, qui se penche, et... Boum. Elle sursautte, pousse un cri. Rougit. Elle espère vraiment que ses sujets ne se sont pas rendus compte qu'elle les observait - même si elle ne voit pas d'autre explication pour qu'elle soit debout, face à eux, sans bouger depuis plus d'une minute. Zut. Elle est plus discrète d'habitude.