you're not designed to be alone ☽ dorothy

T'aimerais te dire que les examens n'étaient qu'une formalité pour quelqu'un comme toi. T'aimerais te dire que les déboires de juin et tout ce qui s'en était suivi, n'était en rien un frein ou une menace pour la bi-licence que tu visais l'année prochaine. T'aimerais croire cela, Dorothy. La vérité, c'est que tu ne fais pas partie de ces élèves qui préparent leurs examens de façon intensive pendant les dernières semaines de cours. Tu fais partie de cette classe un peu snob de personne qui prépare la réussite de la guerre depuis le début de la toute première bataille. Fiches, cours particuliers, recherches, révisions quotidiennes des notions déjà abordées, tu te prépares depuis le premier jour à cette bataille finale qui représente les examens. Maintenir un bon niveau, c'était la condition pour maintenir ta fierté dans un bon mood et surtout maintenir ta mère et plus particulièrement ta grand-mère à bonne distance. Si depuis février la tension était à son paroxysme, tu savais qu'elles ne te forceraient pas la main tant que tu aurais de quoi leur prouver que tu étais toujours, en dépit de la vérité, la gentille petite binoclarde première de la classe. Parce que, pour les tiens, les notes sont le reflet de l'épanouissement, de la qualité d'une personne. Connerie pour toi, réalité pour ta famille maternelle. Tu as eu la malchance de naître femme dans une famille dont on ne soucie pas beaucoup des hommes. Il y a des fois où tu te dis que si tu avais eu un pénis entre les cuisses, cela fait longtemps que tu aurais pu insulter tout le monde et claquer la porte sans le moindre remord. Mais pour une Stevenson, parce que c'est le nom de ta mère et celle de ta grand-mère, une femme se devait d'être excellente, intelligente, ambitieuse, intraitable, droite, sévère. Les frivolités n'avaient pas leurs places dans la vie d'une héritière de Pénélope Stevenson, l'araignée, cadre du milieu hospitalier magique, femme au réseau qui ferait pâlir de jalousie le moindre journaliste, femme à la toile étendue qui prend, manipule et maîtrise son monde de sortie à en rester la seule maîtresse. On t'avait dit que tu devais aussi bien faire que ta mère, aussi bien faire que ta respectée grand-mère. On t'avait dit que tu ne devais surtout pas suivre l'exemple de ces filles qui se sont détournées de l'excellence pour succomber aux plaisirs faciles de la vie. Connerie. Encore et toujours des conneries. Tu n'as plus échangé avec elles depuis février. Tu t'es contenté d'envoyer tes notes, l'air de rien, pour maintenir à distance les griffes toxiques de cette famille que tu ne cautionnes pas. Tu n'as rien dit à propos de Pan, rien dit à propos de Sandro, rien du tout. La seule personne à qui tu as soufflé mot de tes déboires, c'est ton père, parce que ton père est un Martin, pas un Stevenson, et que lui, comparé aux autres, se fiche bien de l'excellence. Une partie de toi a une envie folle de faire le minimum syndical, un moyen de lever ton majeur bien droit face au cercle maternel. Une autre, cependant, à conscience que ce n'est pas la bonne solution, que tu aurais plus à perdre qu'à gagner et que le meilleur moyen de t'affranchir de l'influence familiale était encore d'en avoir les moyens. Cela passait par une réussite scolaire et financière, pour ne plus avoir à dépendre des ressources de Pénélope l'araignée Stevenson. Raison pour laquelle tu te retrouves, malgré toi, à réviser, devant plusieurs volumes épais, traitant de l'histoire de la magie, ton gros chantier du jour.

Ta thermos de thé sur la table, ta plume en main, t’en était arrivée à te dire que les gobelins faisaient bien chier à se révolter tous les quinze du mois lorsqu’une voix traversa le silence pesant de la bibliothèque. Une voix qui t’appelait toi. Tu lèves la tête, comme un petit suricate qui cherche la prévenance de la menace avant d’apercevoir la tignasse cendrée de Lux.

T'agites la main dans sa direction en dépit des regards courroucés alentours. Si ces imbéciles sont assez cons pour prendre conscience de leur scolarité à une semaine des examens et s'en inquiété, c'était leur problème, pas le tien. D'un coup de baguette, tu fermes manuels et volumes encombrant pour tout ranger dans ton sac sans fond. Un investissement de temps que tu ne regrettais pas parce que tu avais tenu à bien faire les choses. Tu n'aimais pas les grands sacs et les bagages encombrants, mais tu avais besoin d'une foule de petites choses pour te sentir sereine. C'était peut-être un cliché féminin… Ou un cliché de binoclarde si on prenait en considération que la moitié des choses que tu avais dans ton sac étaient des bouquins. Tu redresses tes lunettes sur ton nez et passe ton sac, ta thermos à la main pour rejoindre Lux dans son antre de parchemin.

« Je crois que c’est la première fois que tu m’appelles autrement que Golgothy. » Fis-tu avec un sourire avant de t’assoir en face d’elle. « Ça fait longtemps que je ne t’ai pas croisée, alors les expériences, ça avance ? T’es sur quoi en ce moment ? »

Lux # Bibliothèque # juin 2029

Lux et ses inventions. Tu pourrais en parler des jours, des nuits, des semaines entières que tu n'en aurais jamais fait le tour. Tu n'as jamais rencontré de cerveau comme le sien, d'esprit comme le sien. Lux, elle fourmille d'idée que le commun des mortels ne peut même pas appréhender. Lux, elle invente, créer. On a tendance à la voir comme un génie, toi, tu la qualifierais plutôt d'artiste. Elle joue avec les concepts et les codes pour mettre en place de nouvelles choses, jonglant entre des milliards de projet aux noms obscurs. Tu admires profondément cette créativité qui est la sienne, cette imagination qui est la sienne. Quand tu regardes Lux, tu vois une personne authentique, unique, une fille qui déroge du cliché habituel. C'est peut-être pour cela que tu te sens aussi bien avec elle. Elle n'est pas comme les autres, elle est dans un monde autre et ça rend toute interaction avec elle fascinantes et dénuées d'angoisse.

Un sourire aux lèvres, tu l'écoutes te faire part de ses dernières recherches et trouvailles. Il y en a tellement, que tu te mélanges souvent les pinceaux, t'en viendrais même à faire une série de fiches pour bien te souvenir de tout. Elle te parle du fameux projet Titan que tu attends avec impatience, car dieu seul sait à quel point un golem de compagnie te serait utile pour te soulever les choses un peu lourdes ou pour aller chercher des choses un peu hautes. Puis, bon, se pointer avec un golem c'est classe. Bien, plus classe qu'un balai et pourtant le monde entier sait ton amour des balais. Elle te fait part de quelques déboires avec ses lunettes, une autre de ses inventions, et tu ne peux que hocher la tête avec conviction quand elle te parle de vision. Tu es bien placée pour le savoir, le monde est tout de suite beaucoup plus flou et incertain sans ce genre d'outil à notre disposition. Ton sourire s'élargit davantage quand t'en arrive à la partie sur le coupe œuf. On aura beau dire, Lux a un don certain pour rendre service à la communauté, même si ce n'est à sa manière.

« Roooh, moi je veux bien le prendre ton invention coupe-œuf, je suis sûre on peut découper d’autres choses avec, en plus. »

Comme l'égo des gens, peut-être ? Ce serait diantrement bien, une machine qui coupe l'ego des gens. Ça ferait des ravages. Ton regard se pose sur ton sac, remplit de manuel et de bouquin censés te donner bonne conscience pour la suite. Un éclair de génie, t'aimerait en avoir un. Le genre d'éclair qui vous pousse à choisir d'être les doigts de pied en éventail devant une série netflix avec un truc frais comme une bière et du sel comme des chips. Le tout, évidemment, en bonne compagnie. Malheureusement, tu n'as pas eu ce genre d'éclair de génie là. Par contre, tu pries très fort pour en avoir un sous peu, ce n'est pas que les vacances approchent, mais tu as la ferme intention de voir du monde. Maintenant que tu as une vie sociale, hors de question de passer l'été sans rien faire.

« En vérité je me force à me donner bonne conscience, mais c’est pas l’envie de procrastiné qui manque. »

Tu te penches un peu vers elle pour faciliter vos échanges. Ton regard passe sur les élèves qu’elle désigne, puis sur toute la salle, plongée dans le silence et les relectures de dernières minutes. Tu ne peux qu’approuver la stérilité du processus mis en place.

« Quand ces imbéciles comprendront l'importance du passage à l'écrit… » Et la nécessité de faire des exercices. Aussi. Mais y a un truc qui te perturbe, dans le discours de Lux. Un je ne sais quoi qui t'interpelle. Depuis le début, ta camarade te parle d'invention, de se mettre au frais mais à aucun moment elle ne te parle d'examen, de l'échéance qui approche. Est-ce que… C'est une possibilité, Lux est un esprit libre et avec tout ce qui se passe, il y a moyen qu'elle… Oh. « Dis-moi, Lux, tu sais que nous passons nos examens de fin d'année dans une semaine, non ? »

Si elle te dit non, t’es préparée à sortir de nouveau tes livres et t’engager dans une session révision avec la fille la plus inventive de Poudlard.

Lux # Bibliothèque # juin 2029

Tu vois ses traits se figer puis se tordent dans une grimace qui ne laisse que peu de place au doute. Lux avait oublié la terrible vérité : les examens sont pour bientôt. Tu ne peux pas le lui reprocher, ni même lever les yeux au ciel, en fait, tu n'es capable que de lui offrir un sourire particulièrement désolé et concilient. Tu te doutes que pour un esprit comme celui de Lux, les examens doivent représenter un passage nébuleux, mais obligé. Parce qu'il te semble que Lux avait, tout simplement, mieux à penser. T'aimerais dire que ça t'étonne mais la vérité c'est que tu as suffisamment côtoyé la Serdaigle pour comprendre que son esprit est un électron libre qui vibre, vole, d'une idée à l'autre, d'un plan à un autre. Lux est multitâche, le regard tourné vers des choses beaucoup plus novatrices et importantes qu'un contrôle de connaissance sur le programme de l'année. Néanmoins, tu es contente de lui rappeler, tu te dis qu'elle aurait pu oublier de se présenter en salle d'examen. Ce serait dommage, tu ne doutes pas qu'elle ait les capacités pour réussir.

« Eeeeeeet oui. Je pense que c’est aussi ce que font les deux zigotos, là-bas. Quoi que, vu leur tête, je dirais qu’ils viennent juste de dépasser le stade du désespoir profond. »

Un peu comme la tronche de Gus quand il relit pour la vingtième fois la même ligne avant de se dire que sa lecture est pour la moins répétitive. Tu lâches un sourire, finalement tu n'es pas si mal lotie que cela. Tu avais commencé à travailler pour te donner bonne conscience, rassurer ta partie angoissée sur un dénouement que tu savais, au fond de toi, positif. Mais eux, là-bas, semblaient réellement douter de la réussite de leurs examens et de leur avenir. Ton avenir aussi, tu as une sacrée réserve dessus, mais une bataille à la fois. Si ta grand-mère t'avait enseigné quelque chose de particulièrement pertinent, c'est qu'il convenait de s'attaquer à un problème à la fois pour être efficace. Pallier au plus urgent et avancer méthodiquement. Pour le côté méthodique, on repassera, on ne pouvait pas dire que tu avais fait preuve d'une grande sagesse ces derniers mois, en vérité plus tu avançais, plus tu démontrais un don certain pour agir stupidement. M'enfin, le principe restait le même : choisir ses batailles et la mener jusqu'au bout avant d'aller à la suivante, voilà comment il fallait fonctionner. Tu essayais, autant que possible, d'appliquer cette philosophie. Le plus urgent sont les examens, le reste pourra bien attendre.

Du moins, c’est là ta définition de la priorité, définition qui n’est visiblement pas celle de ta camarade. Tu pourrais en être surprise, t’avoue que pendant quelques secondes, tu l’es. N’importe qui aurait paniqué. Certains auraient même pleuré face à l’échéance qui approchait beaucoup trop rapidement. Mais pas elle. Elle, elle prend les choses avec un flegme qui te fascine presque, un flegme qui t’impose un certain respect pour cette demoiselle étonnante qu’est Lux Silvola. Elle ne panique pas, non, bien au contraire. Elle assume son choix comme-ci de rien n’était, en proclament y aller au talent comme-ci l’examen représentait juste un aller-retour à la poste du coin. Tu clignes des yeux une demie seconde face à cette inconscience scolaire qui te fait grande impression… Avant d’exploser de rire. Tu ignores les regards outrés et les « chuuuuuuuuuut ! » haineux de la population de la bibliothèque. Tu dois te tenir le ventre pour contrôler les assauts nerveux rieurs et faire appel à ta thermos pour te donner un peu de contenance. Lux est incroyable.

« Tu es une véritable héroïne, c’est incroyable ! »

Tu as du mal à maîtriser ta crise, tu n’arrives qu’à reprendre une certaine contenance qu’au bout de plusieurs respirations. Oui. N’importe qui aurait paniqué face à la réalisation des examens dans sept jours, mais pas Lux. Lux s’en fout. Lux y va au talent. Lux donne clairement à tous ces élèves coincés et stressés du bulbe une bonne claque au cul.

« Ok, ok, mais est-ce que tu permettrais que le talent te donne un petit coup de pouce en te glissant des fiches récap ? Pas sur tout, hein ? Juste sur…. Hm… Disons, les trucs assez chiants et théoriques comme le droit ? Les génies ne sont pas faits pour bosser la théorie, les génies pratiquent. Mais les petits nains à leur service, par contre, sont particulièrement doués pour fouiner dans les livres. On a une année de différence mais je pense qu’à nous deux on pourrait au moins retrouver les points importants. La talent, c’est aussi savoir être fourbe et préparer le terrain pour les expérimentations. »

Tu lui glisses un clin d’œil complice. Si tu pouvais toi-même te sortir de ton manuel d’Histoire pour jeter un coup d’œil que le programme de l’année prochaine, ce ne serait pas un moindre mal.

Lux # Bibliothèque # juin 2029