††† regard maladroit qui trébuche sur les mots les petits caractères ont des allures de sentier battu, cole
s'est longtemps demandé où se trouvait le plaisir de lire
incapable de le déceler entre les lignes interminables.
c'est un comble ça
d'être exilé au milieu des grimoires alors que les histoires typographiées ne l'ont jamais fait vibrer.
mais c'est qu'à la nuit tombée les murs de sa petite chambre semblent se rapprocher tout à coup et puis de toute manière la pièce n'a jamais eu des senteurs de chez soi. c'est pas faute d'avoir couvert les murs de photos pour s'entourer de visages familiers. sauf que le soir les lumières des veilleuses ont tendance à déformer les sourires en grimaces cauchemardesques et plus l'obscurité s'installe plus l'air est irrespirable et
même
s'il rabat les couvertures sur sa tête (comme si les draps pouvaient chasser les mauvais esprits), cole
étouffe
perd son souffle
le cœur à la limite de l'implosion.
se retrouve à errer dans le château plutôt que de risquer la noyade
en attendant que le petit jour chasse les fantômes et qu'il puisse enfin aller se terrer dans son lit.
il y a des fois comme ce soir où il pense à prendre le trousseau de clé, se rend dans un endroit qui soit grand comme une cathédrale où il est sûr que le plafond est assez haut pour qu'on ne se sente pas oppressé.
il y a des nuits où cole se faufile dans la bibliothèque de son plein gré, pioche des livres au hasard et se blottit dans un des fauteuils rien qu'une lampe pour veiller sur lui.
sûr d'être seul par ici.
(vraiment ?)
au pied du canapé les victuailles embarquées,
barres de chocolat entamées dans lesquels il croque à chaque page terminée,
sauf que
le regard ripe sur les phrases façon diamant de tourne-disque à la fin d'un vinyle
avant d'être éclipsé par les paupières fatiguées,
la prise des doigts sur les pages faible
une seconde
courte étreinte dans les bras du sommeil
dont on
l'a r r a c h e
sans pitié.
bruit sourd dans la bibliothèque
celui des livres qui heurtent le sol
au loin dans les sombres rayons qui ricoche sur tous les murs.
le silence en mille morceaux fait revenir cole sur terre
en sursaut.
corps électrisé plus une trace de mélatonine dans son organisme c'est sûr
en un claquement de doigt
cole s'est levé
d'un bond,
lourd grimoire dans les mains comme si c'était suffisant pour faire face à l'esprit frappeur
c'est pas des conneries ça y en a dans les parages nan ?
cole a jamais vu de fantôme encore il sait pas si il est prêt,
à cinq heures du matin ça peut être qu'un revenant pas vrai ?
— ......on est pas dans un film y a que les imbéciles apeurés qui hurlent "y a quelqu'un ?" histoire de se faire rapidement assassiner
et puis de toute façon il a la gorge bien trop nouée, cole
qui récupère son téléphone sous les coussins histoire de s'éclairer tandis qu'il prend son courage à deux mains,
s'avance parmi les longues tables d'étude jusqu'au dédale interminable de rayons
le souffle court
en direction du bruit
quelques
pas
encore
au tournant
d'une étagère
la flash-light éclabousse de lumière la pâle figure de l'intru
cole
f r ô l e la crise cardiaque par ta faute
kenneth.
— PU-TAIN-lâche le grimoire avec lequel il était prêt à te cogner.
-ff u c k, MEC !avant de plaquer sa main sur son poitrail, sent le cœur qui s'affole comme un oiseau en cage à travers les mailles du sweat,
cole
inspire
— hha... 'tain les heures d'ouverture c'est pas pour les c h i e n s. comment t'as fait pour rentrer..expire.
peut-être qu'il a oublié de fermer derrière lui.
— .. va pas m'faire croire que c'est pour un emprunt j'pense vraiment pas que tu sois le genre à entrer par effraction pour chercher un mot dans l'dictionnaire.et cole te dévisage comme s'il était face à une apparition,
kenneth le teint toujours un peu blafard comme une âme en peine de jour,
la nuit c'est vrai qu'on pourrait te confondre avec un spectre.