she will always hate me | DOVE

La rentrée scolaire était arrivée beaucoup trop vite, mais pour une fois tu ne t’en plaignais pas : tu avais même hâte de retrouver les murs de Poudlard, parce que maintenant quelqu’un t’y attendais. Et dans l’euphorie des retrouvailles, des nouvelles rencontres, tu avais presque oublié les événements de l’année dernière. La page était tournée sur tous les événements ayant marqué négativement la dernière année scolaire et t’avais le pressentiment que t’allais pouvoir recommencer à neuf. En bien.
Et en montant les escaliers vers le dortoir des mecs, tu ne pouvais pas possiblement anticiper les événements qui suivraient.

En bonne habituée de la place, tu navigues entre les chambres, accordant à peine ton attention à celles qui ne contiennent pas ton frère, concentrée sur ton objectif. Ça aurait dû être facile de le retrouver, de trancher entre toutes ces têtes de lit pour ne voir que son visage à lui, sauter à son cou pour lui raconter cette merveilleuse journée. Mais il n’a suffi que d’un bref moment d’inattention, un court instant où ton œil a attrapé au vol l’image d’une personne que tu croyais disparue depuis longtemps pour te stopper net dans ton élan.
Immobile dans l’entrée de la chambre, le regard inexpressif, tu détailles cet homme que tu as aimé profondément, trop fort pour le peu de retour que tu as eu après son accident. Les silences radios qui se sont accumulés t’ont laissé un goût amer dans la bouche des mois durant, jusqu’au jour où tu as décidé d’arrêter de t’en préoccuper.

Et maintenant, il était là. Devant toi, à quelques mètres. Nullement affublé de cet air confiant qu’il avait auparavant, de ce sourire charmeur qui t’avait séduite tant de fois. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, et tu te sentais presque mal de sentir cette colère bien enfouie rejaillir à la surface lorsque ton nom franchit ses lèvres.
Comme s’il s’agissait d’une insulte crachée avec lâcheté.

« Kenneth. Je vois que t’es de retour. » Ta voix ne laisse filtrer aucune émotion contrairement à ton habitude, ce qui était d’autant plus inquiétant. Rien de tel qu’une colère froide qui bouillait dans tes veines pour te donner un air légèrement menaçant.
Bras croisés sur la poitrine, tu le toises en t’approchant de quelques pas. « Ça te disait pas de donner des nouvelles? » Et si tes yeux pouvaient lancer des couteaux, à cet instant, ils l’auraient fait sans hésiter.

Tu l’écoutes fournir excuse sur excuse, comme si n’importe quoi pouvait justifier son silence prolongé. Mâchoire serrée, tes doigts se resserrent sur la peau de tes bras en encaissant ses faibles tentatives de s’apitoyer sur son sort. Avant, peut-être que tu aurais eu un peu de sympathie pour sa cause. Avant, probablement que tu lui aurais pardonné sans poser davantage de question. Mais tu n’étais plus de ce temps où tu pouvais essuyer n’importe quoi venant de lui, où chaque séance d’apitoiement trouverait son épaule sur laquelle pleurer. Tu avais perdu ton meilleur ami en janvier dernier et tu ne l’avais pas retrouvé, l’homme se tenant devant toi n’étant qu’une pâle imitation de celui qui avait auparavant toute ta confiance et ton affection.

« Et tu penses que moi j’ai rien vécu pendant ton absence? » que tu siffles entre tes dents, retenant une nouvelle remarque acerbe avec peine. L’année dernière avait été éprouvante et pas qu’un peu, tu aurais vraiment eu besoin de lui mais Kenneth avait préféré se concentrer sur lui et se déconnecter de l’extérieur. Se déconnecter de toi et des maux qui t’ont accaparés. « Tu te rabats vraiment derrière l’attaque de ton père pour t’excuser? » La voix qui pointe dans les aigus, les joues rougies par la colère, tu le fixes d’un regard noir, enflammée par ses déclarations égoïstes qui t’écorchent les oreilles. « Tu peux garder tes excuses pour toi Kenneth. J’en ai pas besoin. »

Tu détournes le regard, incapable de le fixer davantage sans nourrir ta colère, sans t’enflammer davantage. Il te faut de nombreuses inspirations profondes pour évacuer la rage qui t’habite, peu encline à lui remettre sous le nez toutes ces fois où toi t’aurais eu besoin de lui. Quand t’as retrouvé Ezra presque mort au Chemin de Traverse. Voir Hennessy aussi mal après sa rupture avec Arsene. L’arrivée impromptue des aurors durant le bal de fin d’année.
T’avais eu personne d’autre que toi-même sur qui compter – pas que ton jumeau ne voulait pas en parler, mais il était déjà trop éprouvé pour rajouter tes maux en prime.
Tout ça parce qu’il n’était plus là. « J’avais besoin de toi moi, et t’étais pas là. Si tu savais… » Nouvelle inspiration pour te permettre de bien mesurer tes mots, pour une fois. « Si tu savais tout ce que j’ai vécu, tu ne serais pas là à t’excuser. T’aurais répondu à mes messages, parce que t’aurais tenu à moi assez pour pas me tenir à l’écart. » Et, finalement, t’oses enfin reporter tes prunelles sur lui. Juste pour qu’il puisse y voir la colère qui y régnait. Une dernière fois.