heart by heart // feat. soleil

Les dernières semaines avaient été éprouvantes sur plusieurs niveaux et avaient entraîné de nombreuses remises en question, surtout sur le plan sentimental. Avec la bourde monumentale de Fenry, tu t’attendais à devoir recoller ton cœur en morceau pièce par pièce après avoir essuyé un râteau de Ruben. Surprenamment, pourtant, ce n’était que du soulagement qui t’avait envahie lorsqu’il avait rejeté tes sentiments, à croire que, finalement, tu n’étais plus si amoureuse que tu le croyais. Pouvais-tu réellement nourrir des émotions aussi fortes pour quelqu’un et te leurrer sur leur présence par la suite? Probablement, surtout si te submerger de la sorte pour un autre t’empêchait de te poser d’autres questions fondamentales qui risquaient de chambouler davantage ton existence. Se conforter dans quelque chose qui semblait naturel, c’était moins compliqué que de remettre en question son identité, d’accepter une part de soi que l’on ne croyait pas exister.

C’était venu hanter tes pensées trop souvent depuis la rentrée, bien malgré toi. L’été avait permis d’établir une distance avec ce souvenir trop confus, teinté de la brume de l’alcool, et une fois de retour en ces lieux magiques tu n’avais pas pu les réprimer plus longtemps. Chez soi, dans les bras d’un autre, rien de plus simple. Mais près d’elle, entre des murs qui avaient assisté à une étreinte que tu peinais à saisir, tu avais du mal. Surtout en la côtoyant à nouveau, prétendre qu’il ne s’était rien passé, agir comme tel, c’était déchirant. Tu étais devenue en quelques mois trop douée pour refouler ce que tu voulais éviter de confronter. Pour autant, maintenant que le voile était tombé, il ne te restait plus qu’une chose à faire. Comprendre.

Et c’est ce que tu as fait, pendant plus d’une semaine. Des jours où tu avais été plus distante avec tous tes proches, te renfermant dans les bouquins pour creuser la seule chose que tu ne comprenais pas toi-même. Qu’est-ce que cette fille t’avait fait pour que tu penses à elle de cette façon? Pour que son parfum te hante entre deux séances d’étude sur le traitement de patients, que ses prunelles apparaissent une fois tes paupières fermées et que tu rêves de ses lèvres sur les tiennes d’une manière beaucoup moins tendre que la première fois, elle avait changé quelque chose chez toi. Quelque chose de majeur.
Alors quand cette même personne t’a demandé de venir la rejoindre, tu n’as pas pu refuser. Tu ne savais toujours pas comment tu allais aborder Soleil avec cette prise de conscience un peu troublante, mais son texto a fait parcourir un marathon à ton cœur endormi. Tu avais rapidement replacé les bouquins sortis et t’étais empressée de dévaler les quelques étages qui te séparaient de la belle brune. Des gouttes de sueur froide perlaient le long de ta nuque lorsqu’elle annonce avoir quelque chose à te dire, tu lui réponds de tes mains moites et redouble de vitesse, courant presque dans les couloirs pour arriver plus vite.

Tu la vois enfin, magnifique comme à son habitude, et tu franchis les quelques mètres vous séparant en couvrant ta respiration saccadée d’un sourire sincère. T’essaies de ne pas trop la détailler, ou du moins de le faire de façon subtile, comme pour confirmer qu’elle était bien là, que ton regard qui la redécouvre sous un œil nouveau ne se trompait pas sur la merveille qui était à sa portée. « Hey ! Ça va? T’as dit que c’était pas grave, mais ça avait l’air important… » Incapable de tourner autour du pot, encore moins de prétendre que tu ne t’inquiétais pas. T’avais besoin de savoir ce qui se passait réellement, parce que tu ne supporterais pas de la savoir en détresse.

Tu prends place près d’elle et te permet un léger éclat de rire lorsque les mots qui franchissent ses lèvres s’emmêlent. Tu n’oses pas trop tomber dans l’hilarité parce que les moments où Soleil perdait sa confiance étaient rares et tu n’aimais pas sentir la nervosité qui suintait par chacune de ses pores. Ce n’était jamais un très bon présage. Au vu des circonstances, tu pouvais bien te douter de ce qui créait ce sentiment chez elle mais pour une raison obscure Roxanne tu préfères ne pas sauter aux conclusions, certaine que les événements de juin sont enterrés entre vous et qu’il a dû se passer autre chose depuis. Pourtant, ce serait tellement plus simple si c’était effectivement le bal qui hantait ses pensées parce que dans ce cas-ci, au moins, tu savais à quoi t’en tenir.

« Ça va, ça va. » Tu lui laisses l’espace dont elle a besoin pour cracher enfin ce qu’elle a sur le cœur, appréhendant toi-même ce qu’elle pourrait bien te dire et ne cherchant pas pour une fois à crever l’abcès. À juste titre quand la jolie brune t’avoue le but de cette rencontre improvisée.
Et tu étais terrorisée, parce que tu ne connaissais pas la réponse. Pour la première fois de ta putain de vie, tu ne savais pas quoi répondre.

Pourtant, tu savais ce que tu ressentais. Tu y avais réfléchi trop longtemps pour nier qu’il s’était passé quelque chose cette soirée-là. Et si tu avais réussi à te l’admettre à toi-même, c’était une autre chose de te confesser à la première concernée par ces sentiments aussi doux que violents qui te dévoraient les tripes. « Le… Bal. Tu veux dire de quand je t’ai embrassée? » Le dire à voix haute, c’était déjà un petit pas vers l’avant, vers la sincérité. Rien ne pouvait mal se passer si la franchise était de mise, n’est-ce pas? « Tu regrettes, c’est ça? » Ton cœur te serre à cette pensée, incertaine à présent de vouloir entendre sa réponse. Mettre fin à votre amitié et piétiner les papillons qui voletaient dans ton estomac, ce serait trop pour que tu puisses l’accepter sans broncher.

Mais tu ne voyais pas d’autre raison pour laquelle elle t’aurait demandé d’en parler. Tu déglutis, prends une grande respiration. « Parce que moi je regrette rien. » Aveu que tu t’arraches comme un pansement, la peur au ventre.

Tu lâches un énorme soupir de soulagement à ces mots qui te rassurent, qui te permettent de respirer un peu mieux, sans la peur du rejet qui te taraudait le ventre. Inconsciemment, tu avais retenu ta respiration pour ne la libérer qu’à cette annonce tant espérée, comme un nouveau souffle de vie. Tu revivais enfin, apaisée par sa main dans la tienne que tu serres à ton tour et par la certitude qu’elle ne regrettait pas elle non plus. Tu ne sais pas ce que tu aurais fait si elle avait voulu revenir en arrière pour effacer votre baiser, surtout vu le temps que tu avais mis à saisir tes sentiments astronomiques pour la belle brune.

Tu te croyais prête à tout entendre, certaine que le plus gros du stress était derrière toi maintenant le premier pas entamé pour te confesser, mais elle te surprend par son aveu qui te ramène au point de départ.
Tu te sens comme le funambule en équilibre sur sa corde qui voudrait avancer, qui voudrait se lancer dans ce qu’il considère comme sa destinée, mais qui se retient tant que le vent souffle. Les doutes soulevés par Soleil ramènent la peur dans ton ventre où grouillent déjà mille et une émotions contradictoires, tu te demandes si tu peux risquer de lui dire ce que tu ressens et si elle partage ton amour si longtemps refoulé au plus profond de ton cœur. « Qu’est-ce que tu veux dire? » Tu te mords l’intérieur des joues, regrettant de ne pas pouvoir montrer ta nervosité. À défaut de pouvoir fumer pour te détendre et pour empoisonner tes soucis, tu serres sa main un peu plus fort en caressant de ton pouces sa peau si douce. Les picotements, toujours présents, te procurent de délicats frissons dans tout le bras. Même si tu avais voulu nier encore ton amour pour la jeune femme, tu n’aurais pas pu le faire avec tous ces signes sans équivoque qui te mettaient la réalité en pleine face.

« Qu’est-ce qui a changé Soso? » Ta voix est douce pour pallier ta nervosité qui se faisait de plus en plus présente. Tu avais besoin de sa réponse pour arrêter de te sentir vulnérable, mise à nue, sans aucun pouvoir pour te défendre.

L’espoir guidait les battements rythmés de ton cœur. Tu espérais tellement que le changement noté par Soleil soit le miroir de celui qui t’avait chamboulée ces derniers jours, qu’au fond ce baiser il vous avait unies plus que vous ne l’auriez cru. À la voir chercher ses mots, ça ne pouvait qu’être un truc majeur, qui changerait votre relation du tout au tout. Et toi Roxanne t’étais pour l’évolution de ton amitié avec elle tant que c’était du positif, pour l’ajout de cet amour qui te donne des bouffées de chaleur rien qu’à la vue de son sourire charmeur. Tant qu’elle pourrait rester près de toi et que tu pourrais l’aimer, tu serais comblée.

À sa demande, tu acquiesces. Une promesse silencieuse de te taire, de la laisser exposer ses pensées que tu mourrais d’envie de connaître enfin. Son regard se pose au loin, mais le tien détaille chacun de ses traits, s’émerveillant sur la finesse de la courbe de ses lèvres ou le tracé délicat de ses cils foncés.
Mais t’étais pas prête pour sa révélation. Tu navigues entre eaux troubles et calmes, entre ses sentiments pour Connor et leur disparition, entre ses anciennes envies et les nouvelles. T’as bien cru perdre espoir à quelques reprises, surtout à la mention de l’amour passionnel qu’elle avait pour ton collègue Poufsouffle, sauf qu’il y avait ce mais qui a tout changé, cette transition au passé de cette histoire qui l’avait marquée.

C’est là que t’as su. Et tu attendais ces quelques mots qui résumeraient tout avec impatience, brûlant toi-même d’envie de les lui répéter, de dévoiler au grand jour ton affection grandissante pour la Serdaigle.
Ton cœur rate tout de même un battement. Roxanne, je t’aime. C’était si simple et si gros, porteur d’un message beaucoup plus important que les 14 lettres qui le composent. Parce qu’aimer n’était plus si dangereux. Parce que son amour était promesse de bonheur. Parce que, pour la première fois dans ta vie, quelqu’un semblait t’aimer sincèrement en retour.

Tu prends ton temps, cherchant la façon de lui répondre sans tout débobiner, sans t’emmêler dans tes propres mots pour marquer ce moment qui changerait tout.
Chercher la recette parfaite de dévoiler ses sentiments.
Mais y a pas de recette parfaite. Alors tant pis.
Tu fonces.

Délicatement, tes doigts caressent la courbe de sa joue. « Soleil… » Tu raffermis légèrement ta prise et rapproche vos deux visages pour voler un doux baiser à la brune. Contrairement à la première fois, tu es parfaitement consciente de chaque centimètre de ta peau qui s’électrise à son contact, de ces papillons qui se chamaillent dans ton estomac. Pas d’alcool pour justifier cette délicieuse étreinte, pour camoufler ton envie de prolonger le contact, de le répéter sans douceur, avec passion et dans un contexte tout autre.

Mais surtout, cette fois-ci, tu ne chercherais pas à fuir ce que te dictais ton cœur.

Tu romps l’étreinte lentement, tes prunelles pétillantes cherchant les siennes avec tendresse. « Je t’aime aussi, Soleil. Ça… Ça m’a pris du temps m’en rendre compte, mais tout est clair maintenant. » Un rire franchit tes lèvres pour rejoindre vos souffles emmêlés. T’es soulagée que la tension soit finalement tombée et que vous soyez enfin sur la même longueur d’onde. Tu replaces doucement une mèche de cheveux à l’arrière de son oreille, profitant du mouvement occasionné pour dévier le regard, un peu moins confiante. « La seule relation que j’ai eue s’est très mal terminée. » Merci Trésor. « Alors je t’avoue que j’ai… Aucune idée de comment m’y prendre. » Tu rougirais presque. Une pointe de malice se glisse néanmoins dans l’éclat de tes yeux. « Par contre, je sais que j’ai très envie de t’embrasser encore. » Ce que tu fais, avec beaucoup plus d’intensité que la première fois, heureuse de pouvoir l’embrasser sans tabou et sans te soucier de ce qu’elle pourrait en penser.

Le mot en lui-même avait quelque chose de grisant et d’extrêmement intimidant : petite amie. Ce titre ne t’avait été affublé qu’une fois dans le plus grand des mensonges et, s’il avait longtemps fait résonner en toi le supplice de la trahison, il laissait aujourd’hui grandir une lueur d’espoir. L’espoir d’aimer et d’être aimée. Cependant, tout n’était pas gagné entre vous : votre amitié avait toujours eu ses hauts et ses bas et des embûches seraient certainement placées sur votre chemin pour tester vos sentiments, mais tu ne craignais pas d’affronter ces intempéries, pas avec elle à tes côtés.

Les mots de Soleil te touchent, t’arrachent un rire ému, peu habituée de te faire témoigner cet amour qui chamboule les battements du cœur. « Dans mon cas, ce sera beaucoup de premières fois. » Tendre malice qui teinte le regard que tu lances à ta douce, bien consciente que cette union serait une première pour vous deux, mais la brune avait tout de même cet avantage d’avoir déjà eu des relations avec des filles alors que, quelques semaines plus tôt, cette éventualité te semblait impossible. « Mais si t’es partante, je le suis aussi. » Ton pouce caresse le dessus de sa main. « Par contre… » Tu te mords la lèvre et détourne le regard, un peu honteuse de la demande qui allait suivre et de la réaction qu’elle pourrait susciter. « Ça te va si… On garde ça plus secret pour quelques temps? »

T’étais la première à vouloir scander ton amour sous tous les toits, le proclamer haut et fort que la plus belle fille de Poudlard était ta petite amie, mais tu ne voulais pas annoncer une relation trop rapidement alors que la base de votre couple n’était pas encore construite. Tu voulais du temps pour découvrir ce que pouvait être votre union à l’abris des regards trop curieux, le temps d’avoir une fondation solide qui vous permettrait de faire face au jugement des autres. « Pas parce que je ne veux pas qu’on nous voit ensemble. » Tes doigts serrent les siens, ton regard désolé cherchant à se lier au sien. « Mais j’veux que ça marche nous deux, et j’ai pas envie que le point de vue des autres influence notre… Couple. » Voilà c’est dit. Un couple, c’est ce que vous étiez désormais, du moins c’est ce que t’en comprenais. Et ce simple mot t’illumine rien qu’à y penser.

Dès ses premières paroles, tu sais que t’as merdé. Tu ne t’attendais pas à ce qu’elle saute de joie à cette éventualité – bien que de jouer les agents secrets pour lui voler un baiser ajoutait du piquant au tout à ton avis – mais certainement pas à ça. Un peu prise de court, tu l’observes d’une mine déconfite, la bouche entrouverte incapable de laisser filer un mot. Quelques instants plus tôt tu nageais dans le bonheur d’aimer et de se sentir aimée et te voilà arrachée à cette réalité que tu n’avais qu’effleurée.

Les secondes s’égrènent, en silence. Les mots ne veulent pas prendre forme sur tes lèvres, trop pêle-mêle dans ta tête sûrement. Il y a une semaine tu ne savais même pas que tu l’aimais elle, tu croyais aimer un autre, Roxanne. Autant dire que tu n’avais jamais cru pouvoir ressentir de l’affection, du désir pour une autre femme avant cet instant et il t’avait fallu beaucoup de temps pour te l’admettre, alors l’admettre aux autres? Peut-être n’étais-tu pas réellement prête à franchir cette étape même si tu n’avais pas envie de terrer tes sentiments, bien réels eux. Peut-être que c’est ce qui t’avait poussée à demander le secret, motivation cachée derrière des arguments fondés. Tu ne saurais dire…

« Soleil… » À défaut d’avoir les bons mots, tu te tais, te contentant de plonger ton regard dans le sien, miroir de la douleur lancinante de ton cœur lacéré. « On a… Un historique d’amitié assez compliqué et je ne veux pas qu’on soit comme ces couples qui s’affichent et qui rompent la semaine suivante. » Tu prends une courte pause, les doigts triturant le bord de ta chemise sous l’effet de la nervosité. « J’veux du long terme avec toi, qu’on puisse passer les plus belles années de nos vies ensemble. J’veux t’aimer chaque jour plus encore que la veille et tout te donner. Mon cœur il est à toi Soleil, juste à toi. » Ça te coûtait presque de l’admettre, la dernière personne à qui tu l’as confié l’ayant piétiné sans merci. Mais elle, elle, tu ne pensais pas te tromper en affirmant qu’elle saurait en prendre soin.

« J’veux pas qu’on se cache indéfiniment, juste le temps qu’on apprenne à être ensemble comme couple, qu’on apprenne à se connaître comme petite amie et pas juste comme super copine. C’est nouveau autant pour toi que pour moi et j’veux pas qu’on se lance dans cette relation trop vite, j’veux prendre mon temps. » Tu fixes le sol un moment avant de reprendre, un doux sourire étirant tes lèvres. « Parce qu’on a que ça, du temps au fond. Du temps pour s’aimer. Non? » Tu te risques à t’avancer pour prendre sa main, délicatement, rétablissant le contact entre vous d’un regard où brillait l’espoir.