higher than the sky — béring

Capitaine. C'est... c'est tout un honneur. Considérant que tu es l'un des petits derniers de l'équipe. Considérant que vous n'avez pas gagné. Considérant beaucoup de choses au final. Tu avais accueilli la nouvelle avec la grâce d'un poisson rouge, les yeux ronds comme des soucoupes et la bouche ouverte. Ruben qui gradue en juin, c'était déjà suffisamment difficile à accepter, mais tu ne pensais pas qu'il allait parler à Luke, et que de fil en aiguille, te filerait son rang. Après tout, vous aviez perdu votre premier match de l'année car t'avais pas été foutu de te sortir la tête de tes mauvais souvenirs, à halluciner des araignées monstrueuses dans les gradins.

Tu avais beaucoup de questions à lui poser, à Ruben, mais il était absent. À faire les sélections, à prévoir son avenir. T'étais content au fond, super heureux — même que tu lui avais envoyé six sms ce matin pour lui souhaiter bonne chance, mais tu ne voulais pas l'embêter avec tes mille et une interrogations. Pas aujourd'hui du moins. Fenry aurait été une option à considérer, mais t'aventurer dans les cachots et potentiellement croiser deux des personnes qui t'insupporte le plus, non merci. Y'a des limites à ce que tu veux bien supporter pour le sport, et les voir n'en fait pas parti.

C'est donc pour ça que tu t'es posé au mur faisant face à la statue d'aigle protégeant l'entrée de la salle commune de Serdaigle. D'ordinaire, quand tu trouvais ici, c'était pour Finn, sauf qu'il déambule quelque part dans le monde à l'heure qu'il est. Et c'est pas pour lui que t'es là, mais plutôt pour le capitaine de l'équipe de Quidditch, avec qui tu n'as jamais vraiment discuté, si ce n'est les banalités habituelles. Ça promettait d'être une requête plutôt awkward.

Et quand finalement, tu vois le principal intéressé sortir, tu te relèves prestement, presque comme un ressort. «Béring !» D'ordinaire, tu préfères utiliser les noms de famille des gens, mais tu doutes arriver à le prononcer dans l'écorcher, donc quitte à passer pour un débile, autant avoir l'air amical. «Excuse-moi, j'veux pas te déranger bien longtemps, mais j'avais juste quelques questions à te poser.» Ton débit de paroles est rapide, presque nerveux, ça ne te ressemble pas. Tu tentes d'esquisser un sourire qui se veut confiant, mais qui s'apparente plus à une grimace. «Sur le Quidditch.» Bravo Hennessy, superbe impression.

Vu la tête qu'il tire quand tu l'interpelles, tu réalises que, peut-être, c'était un poil malaisant d'être planté là à l'attendre dans le couloir. Depuis un quart d'heure. T'as presque envie de te justifier, de lui dire que de toute façon, s'il ne se pointait pas dans les prochaines minutes, tu serais retourné dans ta propre salle commune, mais une petite voix dans ton cerveau t'indique que ce n'était pas une bonne idée. Histoire de t'éviter d'avoir l'air plus gênant que tu ne l'es déjà.

«Ah, oui. Enfin.» Tu grattes ton menton, un sourire embarrassé flotte maintenant sur ton visage. «Il n'est pas là, y'a des sélections ou un truc du genre, et il y participe. J'aurais pu demander à Fenry, mais disons que, mmh, je cherche à éviter mon ex. Tmi ? Tmi. y'a des gens que j'ai pas trop envie de croiser. Et Connor était capitaine remplaçant l'an dernier, même s'il l'est officiellement maintenant, mais j'ai besoin de l'avis de quelqu'un qui l'est depuis longtemps...» Tu parles vite, tournes autour du pot, et presque frustré, t'inspires pour calmer la nervosité qui transpire dans ta voix.

«J'ai appris la semaine dernière que j'allais être capitaine l'année prochaine. Et pour les match restants. Et... je voulais juste savoir si tu avais des conseils à me donner ?» Car, on va pas se mentir, tu nages dans le stress. Avec les ASPICs qui arrivent à grand pas et le départ d'Ulysse qui laisse un vide autant dans l'équipe que dans ton dortoir, tu ne sais plus où donner de la tête.

Pressé ? Non, et tu secoues la tête pour le signifier. T'as tout le temps du monde, même. Du coup, il t'observe, tu l'observes, vous vous observez et c'est vachement gênant. Tu ne sais déjà pas sur quel pied danser, mais quand tu vois son regard calculateur, t'as l'impression que tu viens de signer ton âme. T'es déjà prêt à lui donner tout  ce qu'il veut, pire encore quand il te dit que son aide ne serait pas gratuite. Au moins t'as le fric s'il le fa- Ah non, option à oublier.

Avant que tu te montes la tête. Trop tard, t'avais déjà envisagé le pire, et tu esquisses un sourire mi-figue mi-raisin, pas tout à fait rassuré. C'est la suite qui t'arrache un rire aussi nerveux que soulagé. L'accompagner aux cuisines, ça s'est très faisable. «Pas de soucis capitaine, je vous suis dans votre terrible périple.» T'as repris une certaine contenance, maintenant que la glace est brisée, de la manière la plus malaisante qui soit, certes, mais bon. Même que tu t'inclines théâtralement, après lui avoir lâché un après vous, infiniment plus serein que quelques instants auparavant.

T'esquisses un sourire quand tu l'entends rire, et il éclaire toujours ton visage quand tu te redresses, ta nervosité ayant fondu comme neige au soleil. Puis il justifie son chantage, vantant les mérites de sa proposition par l'exercice offert ; ces fameux escaliers.

«Ah non, je cours déjà suffisamment le matin, je ne vais pas ajouter en plus de grimper les escaliers à mon training regimen quand je pourrais rester dans mont lit...» Tu portes une main à ta poitrine, faussement scandalisé. «Mais bon ! Si c'est pour obtenir l'objet de ma quête, je vais devoir m'y plier.» Tu gardes ton air sérieux approximativement deux secondes avant de rire. «Plus sérieusement, merci hein.»

Tu le suis sans hésiter, ce coin du château ne t'a jamais été vraiment familier. Faut dire que tu traînes principalement dehors quand la température le permet ou dans les salles de sport offertes par l'école, tel le jock typique que tu es. Ou alors ta salle commune, pour larver, mais c'est une autre histoire. Et même pour les cours, tu fais plus confiance à tes amis qu'à ta mémoire. En somme, ce serait vachement bête de te perdre si tu ne prêtes pas attention à ton guide/tortionnaire-tant-que-tu-ne-connais-pas-l'objet-de-votre-périple-aux-cuisines/gourou du Quidditch.

«J'ai plus de chances de me faire cogner par Mahault et Lillie avant même d'oser lever le petit doigt en leur direction.» Et on ne parlera même pas de Ruben, il te casse en deux comme une brindille. Quant aux conseils que tu cherches... Tu réfléchis quelques secondes, les mains dans les poches. «Comment motiver mon équipe ? M'assurer que tout se passe bien ? Enfin, je suis déjà ami avec la plupart d'entre eux, je présume que c'est plutôt au niveau de l'autorité que je m'inquiète ? J'ai pas envie d'être la crevette un peu reloue qui s'excite sur son balai quand y'a un truc qui va pas.» Ta comparaison est peu flatteuse, mais au moins, t'assumes ta relativement petite taille ?

Tu te retiens difficilement de lui demander ce que vous allez chercher, comme ça, aux cuisines. C'est plus drôle d'avoir la surprise. Et avec son histoire de crevettes violentes, tu ne peux réprimer le sourire. Imaginer un minuscule crustacé bolosser son environnement est un poil risible, mais tu ne vas pas soulever ce point. Mais, décapodes à part, il a raison. Se victimiser et broyer du noir, c'est partir du mauvais pied.

Tu hoches doucement la tête, pensif. Ton intégration dans l'équipe est récente, et si tu côtoies ses membres depuis longtemps, bosser avec eux, c'était un terrain inconnu. Certes, tu l'explores doucement, apprends les forces et les faiblesses de chacun, mais ça n'avait pas été dans l'optique d'un jour devenir capitaine. Après tout, mis à part Ruben, Lillie et Adelys, vous êtes tous nouveaux. Tu ne t'attendais pas à que le rôle te reviennes. Mais la simple idée de concevoir le poste sous un autre angle est rassurant, coordinateur te convient définitivement mieux.

«Je crois que c'est surtout la peur de ne pas être à la hauteur ? Des espérances de mes coéquipiers et des miennes ? Je m'angoisse probablement tout seul, j'doute qu'ils m'envoient au pilori à la moindre petite erreur.» À la limite, ils vont gentiment te charrier avec ça pendant les semaines qui suivent si t'as de la chance. Sinon, jusqu'à la fin de ta scolarité et tu allais devoir apprendre à vivre avec ta honte. Ou trouver résidence sous un rocher, c'est une option à considérer.

«Et toi ? Ça s'est passé comment ? Une anecdote pour le capitaine à en devenir qui angoisse de se faire victimiser par le reste de son équipe ?» C'est un amusement certain qu'on trouve dans ta voix, l'inquiétude ayant disparu sans laisser de traces.

Quand il te demande si t'étais là pour venir voler ses secrets et ceux de son équipe, tu émets une exclamation faussement consternée. «Flûte ma stratégie imparable...» Même que tu portes une main à ton coeur. «Ce ne serait pas très honorable de ma part, si j'étais là pour ça.» Et le Choixpeau se serait royalement trompé. Mais t'es pas du genre à profiter des gens, ni à chercher leur pitié. Puis il enchaîne, et tu te tais, l'écoute silencieusement alors que vous quittez le couloir pour les escaliers tortueux qui mènent vers les étages inférieurs.

«C'est pas non plus une responsabilité donnée à tout le monde, et si le directeur de maison de l'époque a jugé que la place te revenait, c'est que tu la méritais.» De sages paroles que tu devrais peut-être appliquer à ta personne, n'est-ce pas ? «Je ne crois pas que c'est la passion qui devrait être prise en compte pour choisir le prochain capitaine, plutôt la maturité et la capacité à motiver son équipe.» Tu fixes le vide, ta main se perdant dans tes cheveux avant de retomber le long de ton corps. «Après tout, tu l'as dit toi-même, vous étiez dans une mauvaise passe et maintenant, ça semble aller mieux.» La fameuse malédiction de Serdaigle est levée, maintenant c'est vous qui vous la coltinez, peut-être qu'on devrait la renommer malédiction de Gryffondor ? Tu ferais belle tête d'affiche avec la tienne.

«Et puis, sans vouloir divulguer nos secrets, j'doute que l'équipe soit au meilleur de sa forme. Elle est encore en train de changer avec le départ de certains.» Tu soupires, pas réellement agacé par la situation, mais plutôt las. Au moins, tu avais réussi à convaincre Edea de rejoindre l'équipe pour remplir le poste de poursuiveur qui s'était libéré. Plus qu'à trouver un batteur désormais. «En plus, avec le délire du corbeau, les matchs et les entraînements ont été repoussés...»

Ça t'arrache un rire, la fameuse malédiction, et si elle finie par bel et bien s'acharner sur Poufsouffle, tu promets de prier sans hésitation la quelconque entité supérieure régissant le sport à Poudlard. Entre-temps, tu te contentes d'espérer que tout va s'arranger pour les lions, car franchement, vous en avez besoin.

Mais le sujet sérieux que t'avais amené lui fait perdre son sourire et tu grimaces. Ta remarque, tu l'avais lancée avec une légèreté déplacée vue la situation engendrée par les évènements de février. «Je certifie clairement qu'après septembre et cet hiver, cette année est définitivement l'année la plus merdique.» T'as peut-être réussi à surmonter les cauchemars plein de pattes velues et de paires d'yeux noirs, mais tu ne les as pas oubliés. Et avec toutes les bizarreries qui sont arrivées depuis la rentrée, tu te demandes même si tout ça n'est pas lié. «Au moins, certains ne sont pas du même avis que le corbeau.» C'est une faible tentative d'alléger la conversation, de faire référence à la rencontre à laquelle tu te souviens l'avoir vu.

T'es pas complètement idiot et tu sais reconnaître quand on cherche à changer de sujet — ça te fait esquisser un mince sourire, de retourner vers le Quidditch. C'est plus safe, plus facile. «Me dis pas des choses comme ça, je vais espérer et être déçu quand ça n'arrivera pas...» T'affiches une mine faussement défaitiste l'espace quelques secondes, mais ses paroles suivantes la transforme en air offensé. «Maintenant que ça gagne deux matchs, ça oublie la raclée de l'année dernière, je note, je note.» Bon, l'effet est un peu raté, car ta voix trahie ton amusement, ou peut-être que c'est ton regard trop rieur. Tu sembles plus plaisanter qu'être réellement vexé, et c'est le cas au fond. Béring peut bien se permettre de te charrier, c'est de bonne guerre après tout. «J'vais finir par l'attraper un jour, le vif d'or. Pas envie d'être le pire attrapeur de Poudlard, ça ferait un poil tâche pour un capitaine.»

Tu lèves les yeux vers le plafond, forçant ton sourire à ne pas s'agrandir un peu plus, mais tu ne répliques rien à sa boutade. Béring peut bien profiter autant qu'il veut des victoires de son équipe ; t'es assez fair-play pour qu'une partie de toi soit content pour lui. Par contre, à la mention des crevettes, et toutes les implications qui y sont liées puisque tu t'étais toi-même référé ainsi plus tôt, tu dois coincer ta lèvre inférieure entre tes dents pour t'éviter d'éclater de rire.

«Eh, je suis sûr que j'arriverais à me trouver un petit galet sympa pour y vivre.» Et si tu en as déjà vu une nager ? «Non, même que j'ai du mal à les imaginer nager en fait ? Un poisson, ça va, mais... une crevette ?» Te voilà à muser sur la façon dont un invertébré nage, avec une concentration un poil ridicule. Tu te forces, en plus, y'a même tes sourcils qui se sont froncés alors que ton visage adopte une mine pensive. Nope, que dalle. À ajouter aux trucs à regarder plus tard.

«Dans la mesure où c'est moi qui était posé tel un stalker devant votre salle commune dans le but de connaître tout vos secrets, je dirais que la sentence est bien méritée.» Tu esquisses un sourire amusé. «Ça fait plaisir et tu ne m'embêtes pas du tout. En fait, ce serait plutôt à moi de m'excuser pour avoir dérangé tes plans.» Ou plutôt t'être retrouvé mêler à ceux-ci, mais ça t'as permis de lui parler et de calmer quelques insécurités.

Tu fixes le sol pendant quelques secondes, incertain quant à la réponse que tu devais lui donner. Ce n'est pas vraiment pour toi, que la victoire importe, c'est plutôt pour Ruben. «En soit, je me fiche un peu de perdre. J'vais peut-être râler un peu, et déprimer dans mon dortoir, mais ça c'est une autre histoire, sauf que j'ai encore trois ans avant la graduation. Et Ruben, il ne lui reste que celle-ci. C'est surtout pour ça que j'espérais être... utile ? Pour que ça se termine bien pour lui.» Au final, ça ne s'était définitivement pas passé comme prévu et tu croisais les doigts pour qu'il soit recruté dans une équipe professionnelle. Et quant à sa proposition, tu rigoles doucement. «Si tu te sens prêt à supporter mes états d'âme lorsque le devoir devient trop difficile, ce serait génial.» Merci, que tu ne dis pas ouvertement — la tension qui quitte lentement ton corps parle à ta place.

Et finalement, faut croire que vous êtes arrivés, vu l'odeur qui te fait enfin tourner la tête vers les cuisines — t'as le don d'être trop absorbé par tes pensées plutôt que de voir ce qui t'entoure. «Alors Béring, qu'est-ce qu'on est venus chercher comme ça ?»