Great minds think alike | Edwyn

Mon sac tombe lourdement à côté de mon lit. Une longue semaine prenait fin et voilà que je songeais déjà à celle qui allait commencer, aux devoirs d’occultisme et de défense qu’il me restait à faire. J’abandonne mes chaussures au pied du lit, révélant des chaussettes dépareillées : l’une à carreaux multicolores et l’autre rayée orange et grise. Je m’assieds en tailleur sur mon lit avant de me laisser tomber avec un soupir. Les cours, le quidditch, les entrevues secrètes avec Beckett, ces histoires d’enlèvements toujours pas résolues...Tout cela commençait à me peser. Je le sentais dans mon corps, épaules raides et pression derrière les yeux.

Fait suffisamment exceptionnel pour être mentionné, Edwyn Ollivander se trouvait dans le dortoir à une heure raisonnable.D’habitude, il suivait d’autres cours ou allait s’éclipser dans la salle sur demande pour travailler. Meh. Mon colocataire n’avait jamais vraiment été le serdaigle le plus sociable qui existait. Parfois, malgré mon coin parfaitement rangé et mes manières impeccables, j’avais l’impression d’être un boulet. Enfin pas vraiment un boulet...plutôt comme si j’étais constamment dans son chemin. A d’autres occasions j’avais l’impression d’être invisible.

Un peu comme à la maison.

Je lance donc un regard à mon camarade roux, profitant un peu d’une présence amicale. Je ne souhaitais pas particulièrement l’interrompre dans ses activités, mais puisqu’il est là… Je me permets de tenter de socialiser un peu. Je lance l’hameçon, à voir s’il ça va prendre où s’il est dans une de ces transes inventives.

Edwyn, est-ce que tu as déjà eu l’impression de penser trop ?

Je sais, je ne devrais pas me plaindre, lui il est en double licence. Le masochiste. Le double de cours, le double de devoir et il est là, tranquille et bien frais de sa hauteur de géant filiforme. Il va sans doute me répondre que ça ne lui arrive jamais et que je suis faible. Y a pas de justice dans ce monde. J’arrête enfin de m’apitoyer sur moi-même et je me redresse.

Et sinon...comment va ta soeur ?

Je n’étais pas vraiment dans la confidence quant à son état de santé. Depuis ce soir là aux balcons, je me demandais bien si cette marque évoluait ou dégénérait. J’ignore si Andy lui a mentionné notre rencontre fortuite. Pour l’instant je préfère garder ça pour moi.

Edwyn faisait preuve d'une concentration extrême. C'était cet état d'esprit qui l'avait rendu légendaire auprès de certains de ses camarades, à une époque. Il semblait réfléchir avec une telle intensité qu'on imaginait presque la fumée sortir de ses oreilles. En réalité, Edwyn fixait le plafond.

Fixer le plafond en ne pensant à rien était une activité si intense et absorbante que l'arrivée de Bertram ne fut évidente qu'après sa première question. Penser trop ?  

Trop lentement à mon goût, souvent. Mais c'est bien aussi d'arrêter de penser, parfois. Avec les filles ou quand on s'apprête à faire une connerie. Mais pas quand on s'apprête à faire une connerie avec une fille. Enfin... Je ne suis pas sûr pour ce point là.

Cela devait dépendre du type de connerie, probablement. De ce que chacun percevait comme une connerie - ou une fille - aussi. Quand il aurait trois-cent ans, il prendrait le temps de réfléchir posément à la question. Les choses triviales pouvaient attendre jusque là. Puis, ça illuminerait ses vieux jours.

La question sur l'état d'Andy ne le surprit pas particulièrement. Il y avait beaucoup eu droit une fois que la nouvelle s'était répandue. Il se contenta d'un haussement d'épaule.

Elle s'en remettra vite. Je ne sais pas si on pourra en dire autant de ceux qui lui ont fait ça.

Parfois, il se rendait compte que la manière nonchalante avec laquelle il disait tout cela, sans sembler s'en émouvoir, devait lui donner des airs de psychopathe. La plupart du temps, comme maintenant, il ne s'en rendait même pas compte. Il avait passé le stade de l'inquiétude une fois qu'il avait su sa soeur hors de danger. C'était celui de la vengeance qui était à l'honneur. Même s'il préférait "juste rétribution" ou "mesures dissuasives envers les imbéciles qui croient que s'en prendre à ma famille est une bonne idée", mais là ça devenait un peu long et il fallait respirer.

Quoi de neuf par chez toi ?

Si on pouvait comparer l’état de mon esprit à celui d’une pièce existante, il s’agirait probablement des archives du ministères. Des couloirs étriqués où s’entassaient des milliers d’archives soigneusement (mal) rangées dans ces signataires colorés. Certains étaient vieux, poussiéreux et un peu moisi. D’autres avaient pris l’eau par on ne sait quel événement météorologique extraordinaire. Il y avait trop de copies, parfois les mêmes sous des étiquettes différentes. Des cartons traînaient, des dossiers “ en attente” depuis ce qui ressemblait à des siècles. D’autres dossiers s’envolaient, en chassant d’autres dans un bruit de papier que l’on déchire.

Et évidemment, mon camarade de classe n’était d’aucun réconfort dans ce désordre chaotique. En revanche, ces élucubrations énigmatiques attirent mon attention. Je tourne la tête vers lui pour le dévisager, un peu surpris.

Edwyn ? Est-ce que tu aurais une fille et/ou une connerie à l’esprit ?

Ce n’était pas dans ses habitudes de mentionner ce genre de choses. Enfin, cela lui arrivait de ruminer contre ses ennemis divers et variés, mais est-ce qu’une fille en particulier s’était faufilée dans ses pensées ? C’est ce qu’il sous-entendait en tout cas et c’est ce qui éveillait ma curiosité.

En ce qui concerne Andy, son grand frère réitère ses habituelles menaces d’un ton calme et détaché. Le connaissant comme je le connais je suis sûr qu’il y travaille déjà. Moi j’aurai déjà établi un plan d’attaque et commencé mon investigation. Parfois je me demandais comment il faisait pour rester aussi calme.

On dirait bien que tu as déjà un plan, je me trompe ?

Libre à lui de le partager ou pas. Mais même moi avec ma morale discutable je pouvais déterminer que kidnapper une quinzaine d’adolescents pour des expériences obscures et de les relâcher au milieu du Londres moldu était au mieux complètement inconscient, au pire : immoral et criminel. En d’autres termes, Edwyn pourrait compter sur moi s’il avait besoin d’aide.

Il me retourne alors la question. Je réponds machinalement :

Oh tu sais comme d’habitude. Les cours, les devoirs, le quidditch, les examens qui arrivent…et tout ça.

Par “tout ça” je sous-entendais les derniers événements. J’aurai pu ajouter les filles et les bêtises aussi  mais cela lui paraîtrait invraisemblable. Et puis je ne suis pas du genre à partager ces informations confidentielles. Ni ma crainte de ne pas finir l’année scolaire sain et sauf vu tout ce qui se passait en ce moment.

Je réfléchis aussi à comment maximiser mes chances d’entrer au département des mystères mais je ne suis pas sûr de comment faire.

C’était le plan. Sortir d’ici pour aller travailler là-bas. Malheureusement les places étaient chères et je savais que quelqu’un comme Lloyd, avec un beau pédigré et une double licence aurait plus de chances d’y parvenir que moi.

Il esquissa un sourire, anticipant sa réponse à la première question de son camarade.

Tu sais, je suis une jeune personne en bonne santé, donc c'est plutôt normal pour moi d'en avoir une autre à l'esprit, non ?

Il s'interrompit, songeur. Les romances étaient plus compliquées que dans les livres ou les films, ça c'était bien une chose certaine. Il avait déjà du mal avec les conventions sociales classiques, alors ce qui touchait à ce domaine là, c'était un peu l'aventure...
Tant mieux, dans un sens, il aimait bien l'aventure. Il se prit à marmonner :

Même si je me rends seulement compte aujourd'hui que je l'ai eue à l'esprit depuis longtemps...

Étrange comme on se ment parfois à soi-même, non ? Peut-être était-ce la pratique de l'occlumancie et la discipline qui l'accompagnait qui l'obligeaient à être honnête envers lui-même ? Ou le fait de repasser ses souvenirs en boucle ? La place que tenait ce lieu dans son paysage onirique ? Difficile à dire.

Quant aux conneries, je te l'ai dit, je suis un jeune homme en bonne santé.

Bon, là, allongé comme une loque sur son lit, c'était assez peu crédible, mais il ne fallait pas se fier aux apparences. La conversation se poursuivait, avançant sur son plan potentiel et le ministère. Ah, le ministère. Quel dommage de perdre Bertram dans un endroit aussi sordide.

Si tu voulais être auror, j'aurais pu commettre une atrocité ou deux et me laisser capturer. Ça t'aurait donné un coup de pouce et je me suis toujours demandé si j'avais mes chances face à Azkaban...

Cela impliquait de devenir un criminel, cela dit. Ce qui n'était peut-être pas le meilleur des plans. A propos de plan. Il se redressa finalement en position assise et répondit un peu plus sérieusement.

J'aimerais autant en dire le moins possible. Ce sera plus facile de dire que tu ignores tout sous véritaserum. A défaut de ce plan là, on peut parler de celui que tu vas mettre au point pour capturer le cœur de la jolie blonde. Tu sais, celle qui était près de toi, à la soirée rêves et polochons.

Il avait une excuse toute trouvée pour que son camarade l'aborde, l'air de rien, en la proposition de lui façonner un bras digne de ce nom. Un projet qu'il avait d'abord baptisé "bras tellement badass que tu auras presque envie de perdre l'autre aussi" avant de se réorienter vers quelque chose d'un peu plus sobre et mythologique. "Le projet Nuada" ça sonnait beaucoup mieux. Il avait bien appelé son chez d’œuvre en référence à la bête aux cent yeux qu'Hermès avait vaincue.

Mon voisin arbore un léger sourire alors qu’il me répond que c’est parfaitement normal. Il a raison, bonne réponse qui n’assouvit pas pour autant ma curiosité. C’est qu’il peut être redoutable mon camarade serdaigle !  Mais je n’ai rien à perdre à poser innocemment la question :

 Est-ce que je connais l’heureuse élue ?

Il allait probablement me rembarrer avec élégance et esprit - me laissant sur ma faim. En terme de dortoir, je me retrouve donc entre un Edwyn amoureux et un Béring au coeur brisé. Fantastique. Toute ironie mise à part, j’étais plutôt content pour mon camarade de chambrée. Le rouquin n’était pas du genre à s’enticher de n’importe qui, mais comme dans son travail, lorsqu’il s’y mettait...c’était du sérieux. Enfin. Sans compter le désastre qu’était sa relation avec Cannelle mais ça, il ne suffisait pas d’être un génie pour le prédire ( bien que je soupçonnais que les deux énergumènes devaient avoir tous les deux des standards plus élevés que le commun des mortels).

Si jamais tu cherches une cible, il y a ces serpentards qui ont dérobé nos tuiles et qui s’en sont tirés en toute impunité.

Officiellement “Bertram Godfrey” et “conneries” sont de parfaites antithèses. Trop puéril pour moi, je ne rêverais même pas de lui suggérer mon aide. Et pourtant, si seulement...J’avais même déjà quelques idées. Pourquoi ne pas transformer leur salle commune en ce qu’elle était censée représenter : c’est à dire un égout ? Faire pousser quelques moisissures, ajouter à cela des oeufs pourris et boules puantes bien dissimulées et le tour était joué. Avec un peu d’imagination, les dernières resteraient tout l’été vu comment ils étaient (pas) futés.

Un éclat de rire consensuel de ma part flatte sa plaisanterie. Edwyn et son amour de la contradiction, son mépris pour les institutions. Parfois je devais avouer qu’il avait raison - surtout en ce moment quand on voyait le défilé de marionnettes incapables qui prétendaient nous gouverner. Mon point de vue sur la question ? S’il le système existe, aussi corrompu soit-il, il convient d’en profiter. En d’autres termes, il était préférable de faire partie de système et d’en tirer profit que de se retrouver dans les marges.

Je suis presque sûr que si quelqu’un pourrait s’en échapper ça serait toi. Tu confectionnerait probablement un gadget à la Mac Gyver pour t’en échapper avec panache.

Il fallait avouer que mon camarade avec une chance incroyable et le don pour se mettre et se sortir des situations étranges voire dangereuses sans le moindre problème. A croire qu’il possédait une aura. A part sa malédiction mineure qui attirait les chat du coin dans le dortoir ( ce qui au fond ne me déplaisait pas ). Peu enclin à me dévoiler son plan, pour mon bien ce grand seigneur, il change rapidement de sujet.

Hein ? Pardon ? Hawkins ?

Les sourcils s’élève, je dois dire que je m’attends pas à ce qu’il mène la discussion vers cette direction. Ma vie amoureuse a été toujours secrète, ou plutôt inexistante. Je trouve toujours une bonne excuse : “ je dois me concentrer sur mes études” était notamment, un grand classique. Hawkins était charmante, au point de me faire oublier son bras mécanique ainsi que mon aversion pour les cheveux clairs. La gryffondor a beau m’arracher des sourires ravis, ce n’est pas elle qui fait trembler mon coeur. Néanmoins, je profite de la diversion pour jouer au timide, cachant mon visage derrière de longues mèches de cheveux.

Oh, je pense que je ne suis pas à la hauteur. Je crois qu’elle m’apprécie, mais plutôt comme un cousin un peu retardé, tu vois ?

Je lui adresse un léger sourire hypocrite, tout doux.

Mais c'est pas grave, je préfère les brunes de toute façon.

C'était une bonne question. Bertram la connaissait-il ? Difficile à dire. Aussi Edwyn choisit une réponse simple, mais néanmoins teintée de malice.

Je n'en ai pas la moindre idée. Mais elle sera ma cavalière au bal de fin d'année. Tu pourras t'amuser à spéculer en attendant.

Des réponses claires ? Et puis quoi encore ! C'était bien plus drôle de faire mariner les gens et de les laisser s'interroger. En fait, il aurait dû prendre des paris, ça lui aurait permis de... l'inviter à dîner ? Un peu trop classique. Les fleurs aussi, c'était un cliché et il n'avait aucune idée de celles qu'elle préférait. Un immense blaireau en peluche, peut-être ? Ce serait marrant, mais un peu difficile à transporter... En matière de cadeaux, il était plus du genre à les faire lui-même, de toute façon. Cela lui semblait être une manière plus sincère et pure de transmettre ses sentiments.

Tu sais, c'est juste leur vengeance pour la fois où on a redécoré leur salle commune, avec Béring.

On risquait la vendetta si les représailles s'enchaînaient. Même si c'était toujours un plaisir d'aller semer la pagaille dans les autres maisons. Que pourraient-ils faire à ce sujet ?

On pourrait inverser la gravité de leur dortoir pendant une semaine, mais ça demanderait une sacrée logistique et j'ai perdu mon complice.

Il garderait le secret sur son arrangement avec Cannelle. Bertram n'avait pas vraiment l'allure d'un moulin à rumeurs, mais Ned connaissait parfaitement les effets que pouvait avoir le charme d'une jolie brune. Surtout si la victime était partiale à leur égard comme l'était son camarade.

D'autres suggestions ? Puisque tu ne cherches pas à séduire cette Hawkins, tu dois avoir du temps libre pour profiter de ta jeunesse.

Il fallait s'amuser tant qu'on le pouvait. Même si le jeune Ollivander considérait cela comme une chose qu'il ferait chaque jour de sa vie. Et, au fait...

C'est qui ce McGuyver ?

Le nom ne lui évoquait rien et il avait mené des recherches sur les grands sorciers et concepteurs d'objets magiques du passé. Et, pour être honnête, il trouvait que Bertram avait une trop haute opinion de lui. Il avait beau être plein de ressources, même lui aurait beaucoup de mal à se sortir d'Azkaban sans avoir prévu un ou plusieurs plans à l'avance.

Apparemment sa dulcinée serait également à son bras lors du bal de fin d’année. Quel veinard ! Si elle avait accepté, c’est qu’elle l’appréciait et il le savait. Son pourcentage de réussite devait être élevé, mais je n’en attendais pas moins du rouquin. Un léger sourire se dessine sur mes lèvres.

Oh, je vois. Tu n’as pas perdu de temps.

J’imagine qu’on va devoir revoir notre politique d’entrée et sortie du dortoir..

Je garde cette réflexion pour moi, il ne manquerait plus que ça lui porte-malheur. Après la séparation entre Smith et Béring, on avait un peu oublié de faire attention. Est-ce que le système de la cravate à la poignée allait être réinstauré ?

La conversation reprend son cours. Oui, je sais que c’est une vengeance pour avoir amélioré leur salle commune. Je sais que ça ne ferait que contribuer à un cercle vicieux de la violence et blablabla…. Au bout d’un moment il fallait bien leur montrer qui était le patron, non ? J’imagine que la guerre reprendrait l’année prochaine, après qu’ils aient relancés les hostilités. Comparés aux doux poufsouffles et aux gryffondors à tendance over-the-top, les serpentards en revanche étaient des victimes toutes désignées. Mon visage reste indifférent jusqu’à ce qu’il mentionne l’inversion de gravité. Je le regarde avec surprise :

Inverser la gravité ? Je trouve ça plus excitant  que pénalisant.

Ambitieux projet, certes, mais loin d’être suffisamment élevé sur l’échelle de l’emmerdement. J’étais sûr que Beckett aurait adoré  marcher au plafond comme une araignée.

Profiter de ma jeunesse ?

Je lui aurais ri au nez. Ca fait 8 ans Edwyn, ce que tu peux être distrait...Profiter de ma jeunesse, je commençais à peine. Je profitais oui. En évitant ces fêtes idiotes, en écoutant de la musique seul. Bon...il y avait quelques personnes privilégiées avec qui j’avais partagé de bons moments. Des éclats de rire idiots ou simplement une complicité dans le regard...Mais Bertram Godfrey restait toujours loin des ennuis - il le savait. De ce ton doux et détaché que j’utilise habituellement :

Je profite. A ma façon.

Parfois j’avais tendance à oublier qu’Edwyn venait d’un milieu exclusivement sorcier. Je n’avais donc pas anticipé qu’il ne puisse pas comprendre la référence.

Ah oui juste… c’est le nom d’un vieux personnage de série moldu. Son “truc” c’est de se sortir de situation compliquée avec presque rien, en utilisant la science moldue...En soit ce n’est pas très instructif, ni même précis, mais ça a une certaine valeur divertissante.  

Je me souviens d’avoir passé des après-midi chez mes grands-parents à jouer avec d’autres moldus. A l’époque j’essayais aussi de construire de simples gadgets. Ma grand-mère me surnommait d’après le personnage avant de me montrer un clip vidéo en ligne pour m’expliquer de quoi il s’agissait.

Le générique était tellement kitsch….

Et voilà que j’ai la mélodie en tête - vraiment pas ce dont j’avais besoin.

Avec Soleil qui parle de devenir animagus, je me disais que moi aussi je devrais tenter quelque chose pour...me démarquer. Du moins sur mon CV.

Un peu plus sérieux, je poursuis :

 Je pensais à l’occlumancie.

Il haussa les épaules, comme si c'était parfaitement naturel de faire ce genre de demande avec presque six mois d'avance comme il l'avait fait.

Je voulais être sûr qu'elle y aille avec moi.

Il fallait se donner les moyens d'obtenir ce que l'on voulait, dans la vie. Et il n'était pas du genre à se refuser quoi que ce soit, surtout quand personne n'y perdait.

Bon, le plan sur la gravité ne collait pas. Si on devait en plus s'amuser à mettre un effet conditionnel sur l'enchantement pour qu'il n'affecte que les êtres vivants, ce ne serait pas demain la veille qu'il serait fini, de toute façon.
Changer la poignée de porte de leur salle de bain en portoloin vers le lac, peut-être ? Non, ça aussi ça nécessiterait un contact à l'intérieur.

Une potion marrante dans leur prochain repas ? Les elfes ne sont pas chiants sur ces choses là.

Edwyn était plutôt persuadé qu'ils n'osaient pas contrarier les sorciers, en réalité, mais c'était du pareil au même dans le cadre de leurs petites farces.

Je voulais dire qu'en sortant d'ici, on va s'attendre à ce que nous soyons plus ou moins adultes, alors autant profiter du temps qu'il nous reste pour faire des plans stupides.

Il écouta ensuite Bertram lui expliquer le concept de cette série télé. Apparemment, c'était plutôt ancien. Mais on devait pouvoir trouver ça sur les ordinateurs moldus, même si ce n'était pas spécialement la tasse de thé d'Edwyn, il n'était pas incompétent au point de ne pas savoir s'y retrouver sur internet.

Mais la conversation repartait déjà dans une autre direction. Très sincèrement, si Edwyn n'avait pas été lui, il aurait probablement eu du mal à suivre, avec ces changements de sujet multiples.

Tu as des secrets à préserver ?

On apprenait rarement l'occlumancie lorsqu'on avait rien à cacher. Il était bien placé pour le savoir.

Ca devait être vraiment grisant, toute cette effervescence à l’idée de passer le bal avec l’élu de son coeur. Et Edwyn ne laissait rien au hasard, il serait probablement couronné de succès comme à son habitude. C’était surprenant de le voir si impatient. Et cela piquait d’autant plus ma curiosité sur l’identité de l’heureuse élue.

Mon camarade, jamais en manque d’idées, lance une nouvelle proposition. Amusant, comme il y a quelques minutes il était prêt à abandonner cette histoire de revanche...Il suggère alors de verser quelques gouttes de potions dans le repas avec la collaboration des elfes de maisons. Sincèrement surpris je m’exclame :

Vraiment ?! Ils ne sont pas regardants à ce genre de choses ?!

En voilà une information à vous glacer le sang : la possibilité que qui que ce soit puisse empoisonner l’entièreté du château avec la complicité des elfes de maison. Fantastique. Décidément je me sentais de moins en moins en sécurité ici. Je vous laisse imaginer les répercussion si ne serait-ce qu’une tablée de maison tombait malade en même temps…. Peut-être que je devrais songer à préparer une réserve d’antidote juste au cas où…

L’héritier des Ollivander se lance ensuite une explication sur l’âge adulte et les plans stupides. Quelque part il n’avait pas tort et pourtant….En regardant le plafond cette fois, je me permets de le contredire.

Pourtant j’ai l’impression qu’adultes ou non, ceux qui ont tendance à élaborer des plans stupides continueront de le faire. Ils le feront juste avec d’autres personnes.

Difficile de déterminer ce qu’était l’âge adulte quand tout le monde atteignait une maturité différente. Selon moi ceux prônent aux plans foireux comme Edwyn le resteraient probablement et ceux qui ne l’étaient pas continueraient d’agir comme des enfants sages. Avec un léger sourire, je remarque avec amusement :

J’aurais presque l’impression que tu cherches à m’inciter à braver le règlement, Edwyn.

Ce qui était peine perdue. Le brave, sage, invisible Bertram Godfrey, faire un pas de travers ? Impossible. J’avais résisté à son influence rebelle jusque là. ... Si seulement il savait ce dont j’étais capable. Avec un peu de chance il ne l’apprendrait jamais. Mes mots vagabondent en parallèles à mes pensées pour atteindre le coeur du sujet. Je fais mine de m’étirer, répondant innocemment :

Tout le monde a un jardin secret, non ? Mais à vrai dire c’est plutôt pour le futur. Si je parviens à entrer au département des mystères, là, j’aurai de vrais secrets à garder.  

J’espérais que mon ton détaché soit suffisamment convaincant pour ne pas l’encourager dans cette voir. Aux yeux de tout le monde, si Bertram Godfrey devait avoir des secrets, ils devaient être bien ennuyeux.

Il ne savait pas trop. Il existait probablement quelque chose qui les ferait réagir si c'était vraiment dangereux, mais trop de blagues sous forme de potions étaient passées par là pour qu'ils soient réellement draconiens à ce niveau. Peut-être les elfes avaient-ils un sens magique qui leur permettait de connaître les effets des potion qu'on tentait de verser subrepticement dans leurs préparations ? Edwyn ne s'y connaissait absolument pas en créatures magiques, en dehors de celles qui servaient pour les cœurs de baguettes. L'affirmation suivante de Betram suscita une réaction plus marquée.

Hm...

Le jeune Ollivander restait pensif, comme s'il méditait sur les implications que revêtaient les mots de son camarade de maison.

Attend. Tu crois à cette histoire de règlement ? J'ai toujours pensé qu'il s'agissait d'un mythe qu'on agitait à chaque rentrée pour que les nouveaux se tiennent à carreau.

Il plaisantait, bien évidemment. Bien que rien dans son attitude ne le laissait paraître. Les cours de théâtres lui servaient peut-être à autre chose que faire le mariole, tout compte fait. Mais Bertram était bien trop malin pour s'y laisser prendre, de toute façon.

Ils ne s'étaient pas cotoyés à cette époque, mais il y avait même eu une période où il conservait le règlement intérieur de Poudlard comme livre de chevet. Inlassablement compulsé en quête d'une faille à exploiter. Il n'était d'ailleurs pas peu fier d'être personnellement responsable de deux amendements au règlement. C'était une tâche rendue difficile par les générations précédentes de sorciers qui avaient eu la même idée.

Je serais bien hypocrite de te jeter la pierre. A vrai dire, je m'intéresse également à cette discipline.

C'était peut-être un peu par orgueil, car il jugeait la communauté sorcière inapte à exploiter certaines de ses découvertes de manière responsable. Mieux valait restreindre certains savoir que de les voir causer des problème. Cette approche causait probablement moins de mal que l'inverse.

De tout évidence, je viens de dire quelque chose d’intelligent puisque mon camarade reste sans voix, plongés dans des réflexions houleuses suscitées par mes paroles pleine de sagesse. Edwyn Ollivander était réputé pour de nombreuses choses. La list- non exhaustive - comprenait notamment : son esprit de contradiction - ses inventions loufoques bien que brillantes - sa famille (évidemment)  mais surtout un mépris flagrant pour les règlements et les institutions. Sa plaisanterie était donc aussi fraîche que les anecdotes de Philips sur sa folle jeunesse. Comportement social oblige, son humour  pince-sans-rire récolte un petit rire poli.

De toute évidence, mon colocataire n’avait pas choisi d’étudier la défense pour défendre les lois du ministère. A mon avis il devait plutôt compter sur sa licence en artisanat pour trouver un emploi. Quoique, quand on s’appelle Ollivander, rien n’était impossible.

Ce qui me surprend, en revanche, c’est qu’apparemment l’occlumencie avait attiré son attention aussi. Je tourne la tête vers lui pour scruter son expression. S’agirait-il d’une autre plaisanterie ? Edwyn était vraiment doué pour semer la confusion, parfois, même le contact visuel ne suffisait pas à clarifier son propos.

Ah ? Toi aussi ?

J’avais presque envie de lui demander pourquoi - sauf que cette ligne de questionnement me reviendrait, tel un boomerang, droit dans le visage. Par conséquent, pas de commentaires sur les sales petits secrets qu’Edwyn pouvait garder. Avec un petit sourire en coin, je lui adresse un :

 Les grands esprits se rencontrent.

Je me demande bien comment il a l’intention de s’y prendre. Connaissant Edwyn, il a sûrement déjà une idée derrière la tête et il ne passe certainement pas par la facilité.

Je comptais demander à Andersen….et toi ?

Andersen, hein. Dans son esprit, il entendait en écho "Un sauvage ! Un sauvage ! Même pas un être humain !" à la mention de ce sinistre individu.

Je ne crois pas qu'Andersen soit une option, en ce qui me concerne.

Doux euphémisme. Mais n'était-ce pas dangereux pour Bertram également d'ouvrir son esprit à leur prof d'occultisme ? Ce dernier n'en profiterait-il pas pour lui soutirer tous ses petits secrets honteux et les retourner contre lui aux moments les moins opportuns ? Choisir Andersen comme mentor dans les domaines de l'esprit, c'était un peu tendre le baton pour se faire battre.

Tu es sûr de vouloir de lui comme prof ? Il est 'un peu' tordu.

Encore une fois, on faisait dans l'euphémisme. S'il n'avait été qu'un peu tordu, il n'aurait pas été très différent du sorcier lambda. Enfin, c'était la vie de son camarade, pas la sienne.

De mon côté, j'expérimente un peu les méthodes et je complèterai avec l'aide d'un prof privé durant les vacances. Il y a des parallèles intéressants avec l'oniromancie que j'aimerais explorer. Je pense que conserver une forme de contrôle dans ses propres rêves peut-être une porte vers la maîtrise de l'occlumancie. Je songeais à demander de l'aide au professeur Cissé pour une potion de sommeil avec rêves sous contrôle ou quelque chose de ce style pour commencer. J'ai déjà rencontré des sorciers d'Afrique et d'Océanie qui avaient une certaine maîtrise du domaine...

Comme souvent lorsqu'il causait de théorie magique, il s'emballait un peu plus et sortait de sa coquille plus facilement. Il fit un petit effort pour se calmer et ne pas submerger son pauvre camarade de dortoir sous l'infodump et n'ajouta qu'une simple phrase :

T'en penses quoi ?

En effet, on ne pouvait pas dire que c’était le grand amour entre le professeur d’occultisme et mon colocataire. En même temps, à part le directeur, qui filait le grand amour avec Andersen ? Je prends une moue résignée.

Ce n’est pas comme si j’avais le choix...

Edwyn, lui avait déjà tout prévu. Un professeur privé, carrément ? Ce n’était pas ma mère qui allait payer pour ça et puis il fallait les trouver ces fameux spécialistes...ils avaient généralement mieux à faire. Quoique...avec la fortune et le réputation des Ollivander, il n’avait qu’à claquer des doigts et agiter quelques gallions pour que tout s’arrange. Ce n’était pas le cas de tout le monde. Par contre son point de vue sur l’oniromancie démarre cette machine à penser que je suis. Je garde mes commentaires jusqu’à ce qu’il me demande mon avis. Edwyn Ollivander n’avait pas besoin de l’avis des autres. Je doutais fortement qu’il cherche mon point de vue là dedans - ni des louanges, ce n’était pas son genre. Et, évidemment, il n’oubliait pas de mentionner ses voyages, mon colocataire ne me laisserait pas oublier une chose pareille !
Plus sérieusement, je délivre mon opinion.

Ton plan me paraît être une bonne idée mais… je ne sais pas...je ne suis pas sûr que l’oniromancie ait vraiment un lien avec l’occlumancie. Les rêves font partie du subconscient, ça n’active pas les mêmes parties du cerveau que les souvenirs, les pensées ou encore les émotions qui sont conscients. Mais je ne sais pas… peut-être que le procédé est similaire ?

Et me voilà, à débattre avec moi-même alors qu’Edwyn m’a juste demandé mon opinion. En tout ça me donnait matière à réflexion : contrôler et bloquer tout. Ses pensées, ses émotions, ses souvenirs...même ses rêves. C’était une bonne façon de devenir un grand sorcier, sans aucun doute !

Aussi, je ne pense pas qu’une potion soit vraiment nécessaire pour apprendre à faire des rêves lucides. Mais tu t’y connais certainement plus que moi.

Mais je ne pouvais pas blâmer Edwyn de prendre des raccourcis. Il avait d’autres choses à faire entre ses deux licences, ses projets et séduire sa mystérieuse cavalière.

Il oubliait parfois ce détail insignifiant qu’était l’argent. Entre les finances de sa famille et le fait qu’il ait commencé très tôt à monnayer certaines de ses créations pour se faire de l’argent de poche – ses potions d’aiguise-méninges étaient un succès à chaque session d’examen - , il n’avait jamais vraiment été dans le besoin. Soit, Andersen ne ferait probablement rien de réellement nuisible à l’un de ses étudiants, surtout un qui ne rêvait pas de le voir pendu par les pieds comme le grand prix d’un manège avec des détraqueurs dans le rôle des enfants qui voulaient l’attraper… Oui, Edwyn avait beaucoup d’imagination.

La réponse de Bertram à ses réflexions sur l’oniromancie le détourna de ces préoccupations, cela dit. Effectivement, c’était assez pertinent comme raisonnement. Toutefois, il haussa les épaules en répondant, comme si ce n’était pas si grave.

Je me disais que ça ferait une bonne méthode pour discipliner mon esprit et m’entraîner à imposer ma volonté.

Il y avait sûrement des similitudes entre le fait de repousser une invasion de sa psyché et imposer une forme d’ordre au chaos onirique. Un peu comme de faire travailler les mêmes muscles au travers de disciplines différentes. Concernant la potion, il développa un peu :

Il faut du temps pour apprendre à rester lucide durant les rêves et c’est un temps que je n’ai malheureusement pas. Avec une potion pour me servir de béquille, je pourrai passer directement à la partie qui m’intéresse.

C’était un peu son souci au quotidien, il n’avait que peu de temps entre les cours, ses petits projets et la quête de la Pierre Philosophale. Parfois, il se demandait même s’il ne valait pas mieux lâcher l’une de ses licences pour gagner du temps libre. A passer en charmante compagnie, par exemple...

T’as des idées de ton côté ? On pourrait échanger les astuces qu’on nous enseigne ? Ce serait comme si on avait deux profs pour le prix d’un.

Puis, comparer leur progression pourrait les pousser à se dépasser à la manière d’une saine compétition. Ce ne serait potentiellement pas une mauvaise chose.

Ce n’était pas tellement l’argent, ni même sa réputation qui le rendait particulièrement rageant. Peut-être que c’était la nonchalance avec laquelle il parlait de ses opportunités infinies. Ce que j’enviais plus que tout, c’était sa liberté. Si on l’écoutait parler, Edwyn n’était soumis à aucune contraintes, à part terrestres ( et encore !). Il avait envie de de quelque chose ? Il l’obtenait. Du moins il me le semblait. Et lorsque qu’il se heurtait à quelques obstacles, il se permettait de les contourner avec nonchalance et panache, sans la moindre conséquence. Se permettre de défier librement le directeur lors de la journée des non-magiques ? Il s’en était sorti sans conséquence notable. Le rouquin abattait tous les obstacles qui se dressaient sur sa route comme un château de carte. Et puis quoi d’autre ? Il est grand, il est intelligent, il est riche, pas laid à regarder, débrouillard, même pas tellement vantard que ça. Est-ce qu’il était humain seulement à être aussi parfait ?! Et en plus de ça, il avait le culot d’avoir toujours raison.

Il y avait largement de quoi être jaloux….

Je hoche vaguement la tête, feignant d’être compréhensif.

J’avoue qu’avec deux licences et une petite amie mystère, tu n’as pas tant de temps que ça.

Et là dedans il avait encore le temps de participer à des activités de deux clubs ! Un surhomme. J’ajoute, pensif :

Peut-être que j’essaierai bien la méthode longue du rêve lucide.

Après tout si ça pouvait me servir à mieux contrôler mes rêves, mes pensées et mes émotions, pourquoi pas ? Avec un peu de chances, ça m’éviterait aussi d’ennuyer mes colocataires avec mes bavardages nocturnes - ce qui était vraiment embarrassant. La proposition de mon camarade est bien alléchante et ça serait complètement idiot de la refuser. Mon regard s’allume un peu, il suffit d’un peu de coopération pour embraser mon enthousiasme.

Bien sûr, c’est une excellente idée ! Faisons ça !

J’étais convaincu que je gagnais dans ce deal. Aussi, refiler les conseils d’Andersen à Edwyn avait quelque chose de subversif  qui ressemblait un peu à une sorte de justice karmique.

Même si, je suis sûr que tu y arriveras avant moi.